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CHAPITRE III


LA PÉRIODE DES SÔPHERIM
(420-338)


La haine qui naît de l’amour est plus forte et plus passionnée que celle qui prend sa source dans une répulsion irréfléchie, dans un mouvement d’envie ou dans le ressentiment d’une offense. C’était par amour pour le Dieu qu’on adorait à Jérusalem que Sanballat, ses Samaritains et autres compagnons avaient travaillé obstinément à se faire admettre dans la communauté de la vie judaïque. La violence même de leur hostilité contre Néhémie, qui avait relevé l’État de ses ruines, n’était au fond que le désir indiscret et impétueux d’obtenir de haute lutte une fusion intime. Mais se voyant toujours et sans cesse repoussés, leur ardeur impatiente se changea en haine furieuse. Lorsque Sanballat, qui, par son alliance avec la famille du grand prêtre, se croyait arrivé au terme de ses vœux, subit cette humiliation de voir son gendre Manassé banni pour avoir épousé sa fille, il estima que la mesure était comble. Rusé comme il était, il conçut le dessein de faire saper les bases de l’État judaïque par ses propres membres. Ne pouvait-il pas élever à ce même Dieu un temple rival, qui disputerait la prééminence à celui de Jérusalem ? N’avait-il pas des prêtres, des descendants d’Aaron, qui pourraient, dans le sanctuaire projeté, fonctionner selon les rites légaux, selon les prescriptions de la Thora ? Son gendre Manassé pourrait y exercer la dignité de grand prêtre, et les autres Aaronides, expulsés comme lui, l’assisteraient. De la sorte, tout s’arrangeait pour le mieux au gré de ses désirs. Son vœu ardent de s’attacher au Dieu d’Israël, et son ambition d’être le chef d’une république fermée, seraient satisfaits du même coup.