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bourgades de la Judée, de la Syrie, et sans doute aussi des bords de l’Euphrate et du Nil, fut si considérable que la ville pouvait à peine la contenir. La presse fut telle sur la montagne du temple, que plusieurs y périrent, ce qui fit nommer cette fête : la Pâque des écrasés. Gallus avait exigé qu’on fit le dénombrement du peuple, et voici comment on y procéda. De chaque agneau pascal, on offrait aux prêtres un rognon. On compta les rognons ainsi reçus, en calculant que chaque victime offerte provenait d’une société d’au moins dix personnes, et l’on arriva ainsi à établir que le nombre des personnes présentes à Jérusalem était d’environ trois millions. Cestius Gallus était venu lui-même à Jérusalem pour se rendre compte de la chose. La foule se pressa autour de lui, le suppliant d’avoir pitié des misères du peuple et de le délivrer de la peste du pays. Florus assistait à l’entretien, le sourire aux lèvres. Le gouverneur promit d’inspirer au procurateur des sentiments plus favorables. Sans doute, il envoya aussi à Rome un rapport sur l’énormité de la population qu’il avait eue sous les yeux. Toutefois, il s’était fort abusé sur la portée du dénombrement organisé par ses soins. Néron était alors dans tout l’enivrement de son orgueil et de sa fatuité. Lui, dont les triomphes étaient en apparence plus brillants que ceux de Pompée, de César et d’auguste, devait-il craindre les Judéens ? Ii est à croire qu’il ne prit même pas la peine de lire le rapport de Cestius, ou, s’il le lut, il n’en tint aucun compte.

En Judée, et surtout dans la capitale, la jeunesse et les hommes d’action devenaient de jour en jour plus impatients de briser le joug de Rome. On n’attendait plus qu’un moment favorable offrant quelque chance de succès à l’entreprise. Un incident de peu d’importance, ou plutôt l’audace montrée à cette occasion par le procurateur Florus, et déborder la colère du peuple et ne lui permit pas d’écouter la voix de la prudence. II se produisit en effet de nouveaux froissements entre les Judéens et les Syriens de Césarée. Les premiers ne pouvaient pardonner à Néron de les avoir privés de leur droit de cité, et les seconds, tout fiers de leur victoire, la faisaient durement sentir aux Judéens. Ce qui donnait surtout un caractère grave à ces froissements, c’est qu’ils cachaient, au fond, des haines invétérées de religion et de race.