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toute pitié, il n’avait d’indulgence que pour les sicaires, qui partageaient avec lui le produit de leurs rapines. Sous son administration, qui dura environ deux ans (64-66), nombre de villes furent pillées par ces sicaires, dont les brigandages restaient impunis. Les riches se voyaient forcés de transiger avec eux et avec leur puissant protecteur.

La situation était devenue tellement intolérable que la patience aurait échappé aux plus pusillanimes. Or, malgré ses longs malheurs, malgré le joug accablant qui pesait sur elle, malgré les violences qu’elle subissait chaque jour, le courage de la nation juive n’était point abattu. Rome ressemblait alors à une maison de fous ou de sybarites, où l’empereur entassait folies sur folies, crimes sur crimes, avec la certitude de voir le sénat et le peuple applaudir à toutes ses fantaisies. Il n’y avait point d’assistance à attendre de lui, et il ne restait d’autre ressource à la nation que de compter sur elle-même ; ainsi pensaient tous les honnêtes gens, tous ceux qui n’étaient pas vendus à Rome, ou éblouis de sa vaine splendeur, ou effrayés de sa puissance. Dès ce moment, les gens de cœur songeaient à une insurrection. Le gouverneur Cestius Gallus avait eu vent de la sourde agitation qui fermentait parmi les Judéens; il en donna avis à Néron et lui signala, à plusieurs reprises, les projets de révolte qui couvaient en Judée. Néron ne l’écouta pas. Il avait bien le temps de songer à ces misères, absorbé qu’il était par la musique et les représentations théâtrales, occupé à célébrer des orgies ou à dicter des arrêts de mort ! L’impératrice Poppée, la protectrice des Judéens, n’était plus. Les courtisans ressemblaient tous à l’infâme Gessius Florus ; ils méprisaient les Judéens et riaient des frayeurs imaginaires de Gallus.

Gallus alors s’avisa d’un moyen qui devait montrer à la cour de Néron que la population judaïque était nombreuse et qu’il fallait compter avec elle. De concert avec Agrippa et le grand prêtre Matthia, il organisa, à l’occasion de la fête de Pâque, une manifestation pacifique, mais imposante. Une lettre circulaire fut adressée à tous les Judéens de la Palestine et du dehors, les invitant à venir en masse pour célébrer la fête. La foule des pèlerins accourus à Jérusalem (printemps de 66) de toutes les villes et