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étaient dans leur droit en demandant justice au procurateur contre les meurtriers. Mais Cumanus traita cette affaire avec une si étrange indifférence que les Judéens se virent forcés de se faire justice eux-mêmes. Les chefs de zélateurs Éléazar ben Dinaï et Alexandre, excités par les Galiléens et même par Félix, procurateur de la Galilée, prirent en main leur cause et envahirent avec leurs bandes l’Acrabatène, territoire occupé par les Samaritains, où ils massacrèrent et détruisirent tout sans pitié ni merci. Sur la plainte des Samaritains, Cumanus leur permit de s’armer et envoya lui-même à leur secours des troupes romaines, qui firent un grand carnage parmi les zélateurs.

Soulevée d’indignation par la partialité manifeste de Cumanus, aiguillonnée d’ailleurs par un certain Dorthos et quelques autres personnages, la population de Jérusalem se mit en devoir d’attaquer les troupes de Cumanus : entreprise grosse de périls et qui eût peut-être avancé de vingt ans la catastrophe finale, si les principaux habitants de Jérusalem, effrayés des conséquences incalculables de cette révolte, ne se fussent efforcés de la prévenir. Revêtus d’habits de deuil, ils vinrent supplier la foule irritée de songer à l’avenir et d’écouter les conseils de la prudence. Le peuple déposa les armes. Mais ni les Judéens ni les Samaritains ne se tinrent pour satisfaits ; ils envoyèrent des délégués auprès du gouverneur de Syrie, Ummidius Quadratus, devant lequel les parties s’accusèrent mutuellement et sollicitèrent une enquête sévère. A cet effet, Quadratus se rendit à Samarie, mais il procéda avec partialité et fit mettre en croix les prisonniers judéens. Alors seulement il institua un tribunal où il assigna les contendants. Mais les conséquences du litige l’avaient si bien embrouillé — car le gouverneur Félix avait pris parti pour les Galiléens contre les Samaritains — que Quadratus, impuissant à le trancher, ordonna aux parties d’envoyer des délégués à l’empereur et de lui demander une décision. Les Judéens envoyèrent comme délégués l’ancien grand prêtre Jonathan et un gouverneur du temple, avec quelques antres personnages. Cumanus lui-même, sur l’ordre de Quadratus, dut quitter son poste et aller à Rome pour s’expliquer devant César.

A Rome, ce procès mit en mouvement tous les ressorts des intrigues de cour. Cette circonstance, que le procurateur lui-même