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Jésus la réalisation de leurs rêves. Le célibat auquel ils étaient voués ne leur permettant pas de grossir leurs rangs par la filiation naturelle, ils durent recourir à la persuasion pour gagner de nouveaux membres à leur ordre. Devenus disciples de Jésus, ils continuèrent en cette qualité leur œuvre de propagande, et travaillèrent surtout les couches populaires, négligées ou tenues à l’écart par les chefs des Pharisiens. Ils communiquèrent leur activité et leur ardeur de prosélytisme aux chrétiens d’origine, qui, dans leur naïveté, n’attendaient pas de nouvelles recrues, mais le retour prochain de Jésus apparaissant dans sa gloire, porté sur les nuées du ciel. Bientôt des envoyés ou apôtres sortirent de Jérusalem, leur siège principal, pour répandre au loin leur croyance, à savoir que Jésus était le Messie véritable.

Mais, pour recruter de nombreux adhérents, il fallait avant tout une habileté de parole qui faisait défaut aux naïfs pécheurs et artisans de Galilée. La coopération des Judéens de langue grec que leur fut d’un précieux secours De l’Asie-Mineure, de l’Égypte, de la Cyrénaïque, des îles de Crète et de Chypre accouraient chaque année à Jérusalem, au moment des fêtes, une multitude de Judéens. A côté de ceux qu’y amenait le sentiment ou l’exaltation religieuse, on y voyait aussi des gens amoureux de nouveautés, des aventuriers, des mendiants, qui y faisaient un plus long séjour. Beaucoup d’entre ces derniers adoptèrent la croyance nouvelle, avec une avidité proportionnée à leur ignorance des Écritures et des dogmes. Ce qui souriait surtout à ces gens sans feu ni lieu, c’était la communauté des biens et les repas en commun, que la secte des chrétiens ébionites avait retenus de son origine essénienne. Ceux qui avaient quelque bien le vendaient et en déposaient le produit dans la caisse de l’ordre, et ceux qui n’avaient rien vivaient sans soucis, aux frais de la masse. Ces Judéens grecs, qui avaient appris de leurs voisins païens l’art de parler de toute chose et d’envelopper des riens d’une forme harmonieuse et attrayante, portaient à la religion nouvelle le langage qui lui convenait : ils parlaient en toute langue. Ce furent eux qui devinrent les prédicateurs de la foi nouvelle et ses meilleurs apôtres. En peu de temps, les éléments galiléens, ébionites et esséniens furent complètement submergés par l’élément grec.