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besoin impérieux, et il l’aurait inventée si elle n’eût déjà existé. C’est qu’il tenait à voir consacrées par la Bible les idées dont lui-même était plein, idées écloses dans son propre cerveau ou empruntées aux écoles de l’Académie, du Portique et des néo-pythagoriciens. Mais, tout en partageant et en exagérant même l’aberration des allégoristes, Philon s’en sépare sur la question essentielle, je veux dire sur l’obligation permanente d’observer la Loi, et c’est là précisément ce qui fait sa supériorité. Il se prononce formellement et résolument contre ceux qui se contentent du sens spirituel des préceptes et qui négligent la pratique ; il les traite d’esprits légers et superficiels. Comme si, réduits à eux-mêmes, ils vivaient dans un désert, ou comme s’ils étaient des êtres immatériels, n’ayant jamais vu une ville, un village ni une maison, n’ayant pas commerce avec les hommes, ces gens méprisent ce que les autres aiment, ils ne veulent voir que la vérité nue. Or, l’Écriture nous exhorte bien à rechercher la sagesse, mais elle nous enseigne aussi à ne pas négliger les pratiques instituées par des hommes inspirés et plus grands que nous. Nous sera-t-il donc permis, parce que nous connaissons le sens spirituel du sabbat, de négliger les dispositions légales qui le concernent ? Oserons-nous, ce jour-là, faire du feu, cultiver la terre, porter des fardeaux, citer en justice et prononcer des arrêts, encaisser des créances, faire, en un mot, le travail de tous les jours ? Parce que t les fêtes sont le symbole de la paix de l’âme et de la reconnaissance envers Dieu, négligerons-nous de les célébrer ? Renoncerons-nous à pratiquer la circoncision parce que nous en connaissons la signification symbolique ? A ce compte, il nous faudrait aussi faire bon marché du temple et de toute pratique religieuse. Non, nous devons un égal attachement à la Loi et à sa signification, car une est à l’autre ce que le corps est à l’âme. N’avons-nous pas soin de notre corps parce qu’il est le siège de l’âme ? C’est précisément par la pratique matérielle des lois qu’on arrive à en mieux saisir le sens intime, et du même coup on évitera les reproches du vulgaire. On le voit, Philon appuie tout particulièrement sur la sainteté et l’inviolabilité de la loi judaïque. C’est pourquoi, seule entre toutes les législations, celle du judaïsme reste fixe, intacte, inébranlable, comme marquée du sceau de la