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goût aux simples récits de l’Écriture ni à ses sublimes doctrines, et ne se complaisait qu’aux explications les plus raffinées. Les pieux docteurs qui, chaque sabbat, développaient publiquement la sainte parole, durent sacrifier au goût de l’époque et se résigner à travestir, par l’allégorie, les doctrines et même les faits historiques. Un des résultats de cette tendance fut le relâchement religieux des Judéens lettrés d’Alexandrie. L’allégorisme compromit gravement l’édifice de la Thora. De fait, si les lois ne sont que l’enveloppe de certaines idées philosophiques, s’il ne faut voir dans le Sabbat que la puissance de l’Être incréé, dans la circoncision qu’un symbole qui nous enseigne à gouverner nos passions, il suffira de s’assimiler ces idées, de les connaître théoriquement, et la pratique deviendra inutile — ainsi s’exprimaient, en effet, les alexandrins. De cette tiédeur à l’apostasie il n’y avait qu’un pas, et ainsi s’explique la faiblesse avec laquelle, en face des misères accumulées, plusieurs se jetèrent dans le paganisme. C’est à Alexandrie que la lutte entre la science et la foi se produisit d’abord, sans toutefois prendre une forme décidée ni aboutir à une conciliation.

Cependant il y eut, de la part de ceux que la culture grecque n’avait pas égarés, quelques tentatives pour combattre l’indifférence religieuse. Un des principaux penseurs judéo-grecs de cette époque était ce même Philon, qui avait été chargé de défendre le judaïsme contre d’odieuses et perfides accusations devant l’empereur Caligula. Philon est le plus grand esprit qu’ait enfanté le judaïsme alexandrin. Dans un langage inspiré et plein de noblesse, il plaida en faveur de l’autorité immuable de la Loi et sut lui reconquérir l’amour et le respect de son siècle. S’il a partagé les erreurs et les préjugés de l’époque, il ne la domine pas moins de sa haute et claire intelligence.

Lui aussi, Philon abuse de l’interprétation allégorique. Comme ses devanciers, il estime que le Pentateuque, au moins en majeure partie, dans ses récits comme dans sa législation, doit s’interpréter figurément. Entraîné par sa méthode, il se livre aux subtilités de la symbolique numérale, explique les mots hébreux par des mots grecs, trouve dans un même texte des idées diverses et même contradictoires. Pour lui, l’allégorie était en quelque sorte un