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de haïr tous les peuples en masse et la nation grecque en particulier, furent reprises par un jeune écrivain, le rhéteur Apollonius Molon, qui vivait avec Posidonius dans l’île de Rhodes. Apollonius, acceptant ces imputations comme démontrées, s’en fit l’écho et le propagateur. Il passa en revue toute l’histoire d’Israël, présenta la sortie d’Égypte comme une expulsion motivée par quelque plaie honteuse, transforma Moïse, le sublime législateur, en vulgaire magicien, et affirma que ses lois, bien loin d’enseigner la vertu, ne contenaient qu’abominations. Il en concluait que les Judéens étaient des contempteurs de Dieu et des hommes ; il leur reprochait d’être à la fois lâches et téméraires, le plus ignorant des peuples barbares, incapable de rendre aucun service à l’humanité. Cicéron, qui avait quelque liaison avec ces deux écrivains, s’inspira de leur langage dans ses odieuses sorties contre la race judaïque et ses lois. Jules César, qui fréquentait, lui aussi, Posidonius et Molon, sut mieux résister à l’influence de leurs préjugés hostiles.

Plusieurs Grecs d’ Alexandrie, Chérémos, Lysimaque et autres, accueillirent avidement ces allégations, y ajoutèrent même et les propagèrent, au plus grand préjudice des Judéens de leur temps. II n’y eut que trois écrivains grecs qui parlèrent plus favorablement des Judéens dans leurs écrits : Alexandre Polyhistor, Nicolas de Damas, l’ami d’Hérode, enfin Strabon, le meilleur géographe de l’antiquité. Dans son ouvrage, où l’histoire s’entremêle à la géographie, Strabon a consacré une belle page au judaïsme. Si, lui aussi, considère les Judéens comme originaires de l’Égypte, du moins il ne répète pas, quoiqu’il ait dû la connaître, la légende qui les fait expulser du pays pour cause de lèpre et d’impureté. Au contraire, il représente la sortie d’Égypte comme effectuée par Moïse et motivée par l’horreur que lui inspiraient les coutumes et le culte des Égyptiens. Strabon fit en même temps ressortir, avec une évidente sympathie, les grandes idées mosaïques d’un Dieu unique et d’un culte sans images, contrastant avec le polythéisme et la idolâtrie de l’ancienne Égypte, et avec le culte grec, qui assimilait la Divinité à l’homme. Comment, s’écrie-t-il, un être raisonnable peut-il se permettre d’attribuer à l’Être divin une ressemblance quelconque avec l’homme ? Tout