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de Jésus, il avait ajouté l’humiliation et la raillerie ; il l’avait fait battre de verges et mettre en croix comme le plus vil des esclaves, et avait affublé d’une dérisoire couronne d’épines ce roi des Judéens. Ce spectre de Jésus sanglant et ceint d’une couronne d’épines hantait sans cesse l’imagination de ses partisans et leur soufflait des pensées de vengeance. Mais, au lieu de tourner leur ressentiment contre le cruel et sanguinaire gouvernement de Rome, ils rejetèrent toute la responsabilité sur les chefs de la nation judaïque et, peu à peu, sur la nation elle-même. Ils feignirent d’oublier, ils oublièrent peut-être à la longue, que Pilate était le meurtrier de leur maître, et ce sont les Judéens en masse qu’ils chargèrent du crime.

Vers la même époque, Pilate sévit contre un messie ou prophète samaritain, qui avait rassemblé ses adhérents dans le village de Thirathaba (Thirza ?) et leur avait promis de leur montrer, sur le Garizim, les vases sacrés du tabernacle de Moïse. Le procurateur, qui voyait dans toute assemblée populaire et toute agitation se produisant dans son gouvernement une révolte contre la puissance romaine, fit avancer des troupes contre les Samaritains. Les principaux d’entre eux furent saisis et livrés au dernier supplice (36). Mais alors Judéens et Samaritains portèrent plainte contre les cruautés de Pilate devant Vitellius, procurateur de la Syrie, et celui-ci lui ordonna de se rendre à Rome pour se justifier. S’il faut en croire l’assertion suivant laquelle Tibère, après la chute de Séjan, aurait montré une certaine bienveillance aux Judéens, on s’explique la quiétude dont ils jouirent à cette époque. Les Judéens trouvèrent des défenseurs à la cour même de Tibère, notamment sa belle-sœur Antonia, qui lui avait dénoncé le complot de Séjan, et qui voulait du bien à un prince patriote de la famille d’Hérode. Grâce à cette intervention, Tibère révoqua le décret de proscription lancé contre les Judéens. Vitellius leur témoigna désormais toutes sortes de prévenances, accueillant leurs plaintes, empressé d’y satisfaire, plein de ménagements pour leur susceptibilité. Étant venu à Jérusalem à l’occasion des fêtes de Pâque (an 37) pour se rendre compte de l’état des choses, il se montra disposé à faire toutes les concessions possibles. Il fit remise aux habitants de Jérusalem des impôts sur les denrées, impôts