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de victimes humaines devaient un jour être immolées. Les premiers chrétiens usèrent ou plutôt abusèrent du nom de Jésus pour toutes sortes de conjurations et de sortilèges. Tous ceux qui croyaient en Jésus prétendaient avoir la puissance de chasser, en son nom, les esprits malins, de conjurer les serpents, de guérir des malades par la simple imposition des mains et de paralyser l’action des breuvages mortels. — À la réception de chaque nouveau membre, on commençait par chasser de son corps les démons qu’on supposait l’avoir habité jusque-là. Rien d’étonnant donc si Judéens et païens ont pris les sectateurs de Jésus pour des exorcistes ou des magiciens.

Cependant, dans les premières années qui suivirent la mort de Jésus, on ne fit guère attention à eux parmi les Judéens. L’obscurité de leur condition les dérobait aux regards. Ils étaient considérés comme une secte et rattachés probablement à l’essénisme, avec lequel ils avaient, d’ailleurs, tant de points de ressemblance. Ils n’auraient sans doute pas manqué de disparaître si, dix ans plus tard, un homme ne s’était rencontré, qui, par le développement qu’il donna à la secte et par la hauteur où il sut l’élever, lui assura l’empire du monde.

Depuis un siècle, c’est-à-dire depuis que la rivalité des derniers Hasmonéens avait livré la Judée au despotisme romain, une sorte de fatalité pesait sur ce pays. Chaque nouvel événement aboutissait pour lui à de nouveaux malheurs. La parole de Kobéleth qui proclamait la vanité de toutes choses et qui s’écriait : Rien de nouveau sous le soleil, était elle-même une parole vaine. Ce fantôme du Messie, qui, après avoir flotté obscurément dans les esprits, venait tout à coup de prendre corps, n’était-ce pas quelque chose de nouveau dans le monde ? Et ce nouveau-né au masque de mort allait apporter aux Judéens de nouvelles et cuisantes douleurs. Sorti du sein de l’essénisme, le messianisme nazaréen en avait hérité la laine contre les habitudes de la nation telles que les avaient faites les doctrines pharisaïques. Sous l’empire de la tristesse que lui causait la mort de son fondateur, le christianisme sentit grandir encore son aversion. Le procurateur Ponce Pilate contribua encore à envenimer l’hostilité de la secte chrétienne contre les Judéens, ses frères. A l’horreur du supplice