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Comment le Messie pouvait-il être sujet à la douleur ? Un Messie souffrant, c’était pour eux une grave difficulté ; et pour qu’ils pussent croire, pleinement et sans réserve, à son caractère messianique, il fallait avant tout écarter cet obstacle. C’est alors, sans doute, qu’un des disciples, plus versé dans les Écritures, calma leurs scrupules et les siens en remarquant que cette prophétie d’Isaïe : Il sera arraché du pays des vivants et il pâtira pour les péchés de son peuple, avait eu en vue le Messie. C’est quelque Pharisien qui aura tiré d’embarras le petit groupe hésitant et déconcerté des disciples de Jésus, et cela au moyen de la méthode interprétative, qui donnait au nouveau le prestige de l’antique, à l’étrange la consécration de la Bible, et en fournissant ainsi au christianisme naissant et frêle un point d’appui solide. C’était une puissance, à cette époque que l’interprétation des Écritures, capable de faire accepter les fantaisies les plus folles et de transformer l’absurdité en évidence. Aucune idée nouvelle, si elle n’était appuyée par un texte quelconque de l’Écriture sainte, ne pouvait trouver créance ni réussir à s’implanter. Avec l’interprétation, le problème était résolu : cela devait arriver. La condamnation même de Jésus comme criminel parut pleinement justifiée. N’était-ce pas l’accomplissement littéral de la prophétie messianique ? N’avait-il pas été prédit que le Messie serait compté au nombre des malfaiteurs ? Ses disciples croyaient se rappeler de lui avoir entendu dire qu’il allait au-devant des persécutions et de la mort. Ainsi les souffrances et la mort de Jésus devenaient des preuves de sa messianité. Ses partisans passaient en revue toute son existence, et, dans le moindre fait, dans la circonstance la plus insignifiante, on découvrait un indice frappant. Il n’était pas jusqu’au lieu de sa naissance, Nazareth au lieu de Bethléem, qui n’eût sa raison d’être dans une prophétie : Il fallait qu’il fût nommé Nazaréen (Nazir ?). Ses partisans restèrent donc convaincus que Jésus le Nazaréen était bien le Christ (le Messie). Leur esprit une fois tranquillisé sur ce point, il devenait facile de résoudre cette autre difficulté : Quand donc le royaume du ciel allait-il venir, puisque celui qui devait le réaliser était mort sur la croix ? L’espérance dicta la réponse : Le Messie reviendra dans sa gloire, escorté par les anges du ciel, et il récompensera chacun