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condamné n’appartenait plus à sa nation, mais à l’autorité romaine. Ce n’est pas le Sanhédrin judaïque, c’est Pilate qui fit exécuter Jésus comme séditieux et condamné politique. Les documents chrétiens prétendent qu’il fut crucifié vivant, à neuf heures du matin, et qu’il n’expira qu’à trois heures du soir (l’an 30 ou 35 ?). Sa dernière parole aurait été une phrase aramaïque tirée des Psaumes : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Éli éli lama schebaktani). Les soldats romains auraient mis sur la croix, pour le ridiculiser, une inscription ainsi conçue : Jésus de Nazareth, roi des Judéens. Le crucifiement et sans doute aussi l’inhumation eurent lieu hors de la ville, dans un endroit réservé aux suppliciés et qu’on appelait Golgotha (le Calvaire).

Telle fut la fin d’un homme qui avait voulu moraliser les plus infimes d’entre ses frères et qui a peut-être péri victime d’un malentendu. Sa mort est devenue la source d’innombrables souffrances, de supplices de toute nature, pour les enfants de son peuple. C’est le seul mortel dont on puisse dire, sans exagération, qu’il a plus fait par sa mort que par sa vie. La funèbre colline du Golgotha est devenue, pour le monde, un nouveau Sinaï. Et cependant ces événements, si graves pour le monde chrétien, firent si peu de sensation chez les contemporains, que les historiens judaïtes Justus de Tibériade et Josèphe, dont le dernier notamment raconte les moindres incidents de l’administration de Pilate, ne disent pas un mot de Jésus ni de sa mort. Dans le premier moment de terreur qui suivit l’emprisonnement et la mort de Jésus, ses disciples s’étaient débandés en toute hâte. Une fois leur effarement dissipé, ils se rapprochèrent pour pleurer la mort de leur maître bien-aimé. Tout le parti de Jésus, du moins ce qui en restait alors à Jérusalem, ne comptait pas plus de cent vingt membres et, en y comprenant ses adhérents de la Galilée, le nombre total ne dépassait pas cinq cents. Ici se montre bien la profonde impression que Jésus dut faire sur ces hommes, pour la plupart grossiers et ignorants. Loin de renoncer à leur foi en lui, leur enthousiasme grandit de plus en plus et leur vénération s’exalta jusqu’au fanatisme. Un seul point gênait cet élan, c’était la pensée que le Messie, qui devait sauver Israël et réaliser les splendeurs du royaume des cieux, avait subi une mort infamante.