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C’est précisément sur ce dernier point que Jésus donnait prise aux attaques. Sans doute, le bruit s’était répandu qu’il prenait le nom de Fils de Dieu ; pris dans son sens littéral, ce terme blessait trop profondément les convictions religieuses de la nation pour que ses représentants pussent y rester indifférents. Mais comment le tribunal pouvait-il savoir avec certitude si réellement Jésus prétendait être le fils de Dieu, et quelle portée il attachait à cette dénomination ? Comment découvrir un secret confié à ses disciples les plus intimes ? Il fallait pour cela trouver parmi eux un traître : on le trouva dans Judas Iscariote (Ischariot), qui, entraîné par la cupidité, livra au tribunal celui qu’il avait salué Messie. Une source ancienne, et qui présente tous les caractères de l’authenticité, montre clairement de quelle manière on tira parti des dispositions de Judas. Pour pouvoir accuser Jésus comme faux prophète ou comme séducteur du peuple (méssith), le tribunal avait besoin de deux témoins qui eussent entendu de sa bouche même des propos suspects. Le dénonciateur fut donc chargé de le faire parler de façon à ce que deux témoins, qui se tenaient aux écoutes, perçussent distinctement toutes ses paroles. D’après les sources chrétiennes, le rôle de Judas se serait borné à désigner Jésus aux soldats et à la foule qui les accompagnait, ce qu’il aurait fait en lui donnant un baiser.

Aussitôt que Jésus fut entre les mains des soldats, ses disciples l’abandonnèrent pour chercher leur salut dans la fuite : seul, Simon Pierre le suivit de loin. A l’aube du 14 nissan, c’est-à-dire de la veille de Pâque, fête des pains azymes, Jésus fut conduit devant le Sanhédrin ; non pas devant le grand sanhédrin, mais devant le petit, composé de vingt-trois membres et présidé par Joseph Kaïaphas ou Caïphe. L’interrogatoire qui eut lieu avait pour but d’établir si, effectivement, Jésus se disait fils de Dieu, comme l’affirmaient les témoins. Quant au propos qu’on lui prêtait, savoir : Je puis détruire le temple et le rebâtir dans trois jours, cette prétention pouvait faire rire, mais ne pouvait en aucune façon servir de base à un procès. En réalité, l’accusation visait le crime de blasphème (ghiddouf) que Jésus aurait commis en se faisant passer pour le fils de Dieu. Interrogé sur ce point, Jésus garda le silence. Le président du tribunal lui ayant demandé