Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

prenaient pas le temps de se dévêtir. Lui-même se tenait sans cesse sur le chantier, tantôt ici, tantôt là, ayant à ses côtés un homme chargé des signaux.

Cependant Sanballat et ses compagnons, renonçant à empêcher les travaux par un coup de main, eurent recours à l’intrigue. Ils firent courir le bruit que Néhémie avait l’intention, une fois Jérusalem bien fortifiée, de se faire proclamer roi par les Judaïtes et de se déclarer indépendant de la Perse. Ils comptaient ainsi effrayer les gens crédules et les faire renoncer au travail, dans la crainte de passer pour complices. Ils trouvèrent même, moyennant finance, quelques traîtres parmi les Judaïtes pour les seconder. D’autre part, ils essayaient d’agir directement sur Néhémie, lui adressaient des lettres qui disaient leurs soupçons et qui le mettaient dans son tort... Toutes ces manœuvres échouèrent devant la fermeté de Néhémie. Il poursuivit jusqu’au bout l’œuvre commencée avec tant d’ardeur, et força ainsi l’admiration de ses ennemis eux-mêmes. Depuis lors, en effet, ils semblent avoir renoncé définitivement à leurs machinations impuissantes et avoir cessé d’inquiéter Néhémie, comme de le troubler dans son œuvre.

Il eut du reste, à l’intérieur, des luttes non moins pénibles à soutenir. Plusieurs des familles notables jouaient un rôle équivoque, pactisant en secret avec les ennemis et leur rapportant chacune de ses paroles. En outre, elles molestaient les pauvres de la façon la plus odieuse. Si un malheureux avait emprunté de l’argent pour acquitter l’impôt royal, ou du blé pour sa subsistance dans les mauvais jours, et avait donné en gage son champ, sa vigne on son olivier, sa maison ou même ses enfants, le créancier impitoyable, en cas de non-payement, retenait les biens en toute propriété, traitait les fils et les filles en esclaves. Ému des plaintes toujours croissantes des victimes de ces exactions, Néhémie résolut de prendre à partie ces riches sans entrailles. Il les convoqua à une grande assemblée et se prononça hautement contre cette conduite barbare et flétrie par la Loi : Nous autres Judéens de Perse, nous avons racheté selon nos moyens nos frères vendus aux païens comme esclaves. Si maintenant vous vendiez vos frères, c’est donc à nous qu’ils seraient revendus ! conclut-il avec une ironie amère. Or, telle était l’autorité de Néhémie, la