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il fallait qu’il entraînât les esprits, qu’il forçât leur admiration et leur enthousiasme par quelque chose d’extraordinaire. Sans doute, ses qualités extérieures, sa nature mystique et rêveuse, le charme de ses enseignements peuvent avoir produit une impression puissante. Mais, pour éveiller un enthousiasme durable dans des esprits bornés, indifférents à tout idéal, pour trouver en eux une foi à toute épreuve, pour en être honoré comme un être extraordinaire, il fallait des moyens non moins extraordinaires et capables de frapper l’imagination des masses. — Or, les sources chrétiennes sont pleines de récits où ces mêmes faits sont singulièrement transformés : Jésus, y est-il dit, aurait opéré une foule de cures merveilleuses. Si la plupart de ces récits sont inspirés par le goût de l’exagération, par le désir d’amplifier et d’embellir les faits, il doit y avoir là, cependant, un fond de vérité historique.

Les guérisons miraculeuses, notamment celles des démoniaques, rentraient si bien dans le genre de puissance attribué à Jésus, que ses successeurs se vantaient plutôt de ce pouvoir que de la pureté de leur vie. S’il faut s’en rapporter aux sources, la multitude était plus frappée de l’autorité de Jésus sur les démons et sur Satan que de sa grandeur morale. C’est par là, avant tout, qu’il apparut aux esprits peu cultivés comme un être extraordinaire.

Encouragé par ses succès à Capharnaüm, où il avait recruté son premier groupe de disciples, il voyagea à travers les villes de la Galilée. Il séjourna un certain temps à Bethsaïda (Julias), à Magdala et à Khorazin, où il gagna de nouvelles recrues, comme faisaient les Esséniens. Toutefois, son apparition à Bethsaïda et à Khorazin ne doit pas avoir produit une impression durable, à en juger par les objurgations qu’on lui prête contre ces villes, qu’il taxe d’obstination et d’indocilité, qu’il maudit comme Sodome et Gomorrhe. Mais ses fidèles disciples, hommes et femmes, qui le suivaient partout, obéissaient à tous ses ordres. De même qu’ils avaient renoncé à leur inconduite et à leur impiété, ils se dépouillaient aussi de leur avoir pour vivre en communauté de biens. Les repas pris en commun étaient le lien extérieur et comme le trait d’union des partisans de Jésus. Grâce aux subsides des riches