Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/273

Cette page n’a pas encore été corrigée

choses, à sa paternelle sagesse. Il brûlait de cet amour du prochain que le judaïsme recommande même envers l’ennemi. Sous le rapport des vertus passives, il semble avoir réalisé l’idéal préconisé par le judaïsme pharisien lui-même : Sois avec les opprimés et non avec les oppresseurs; écoute les injures sans y répondre ; fais tout par amour pour Dieu et réjouis-toi des souffrances. Jésus parait, du reste, avoir eu des dehors sympathiques, propres à lui gagner les cœurs et à ajouter au prestige de sa parole. Toutes ses tendances morales devaient attirer Jésus vers les Esséniens, qui menaient une vie contemplative, dédaigneuse du monde et de ses vanités. Aussi, lorsque Jean-Baptiste, ou, plus justement, Jean l’Essénien, invita les pécheurs au baptême du Jourdain et à la pénitence, comme moyen de hâter la venue du royaume des cieux, Jésus se rendit auprès de lui et reçut le baptême. Bien qu’il soit difficile d’établir si Jésus a été formellement admis dans l’ordre des Esséniens, de nombreux traits de sa vie et de sa prédication ne s’expliquent qu’autant qu’il aurait adopté leurs principes. De même que les Esséniens, Jésus attachait un grand prix à la pauvreté volontaire et au dédain des richesses, — du Mammon. On lui attribue certaines sentences qui paraissent authentiques : Heureux les pauvres, car le royaume du ciel leur appartiendra. — Il est plus facile à un chameau de passer à travers le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au ciel. — On ne peut servir deux maîtres : Dieu et Mammon. Jésus avait comme les Esséniens, l’horreur du mariage : Il n’est pas bon de se marier. Il loue ceux qui se mutilent eux-mêmes pour l’amour de Dieu. La communauté des biens, idée particulièrement chère à l’essénisme, paraît avoir été non seulement approuvée, mais prêchée par Jésus. Il recommandait, toujours à l’instar des Esséniens, d’éviter avec soin tout serment : Ne jurez jamais, disait-il, ni par le ciel, ni par la terre, ni par votre tête ; mais que votre oui soit oui, et votre non soit non.

Lorsque Jean fut mis en prison, comme ennemi public, par le prince hérodien Antipas, Jésus trouva tout naturel de continuer l’œuvre de son maître. Comme lui, il allait prêchant : Faites pénitence, car le royaume du ciel est proche, sans se douter peut-être que, dans ce royaume du ciel, c’est-à-dire dans l’ère messianique