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de la mer Morte (près de Bethabara ?), en compagnie d’autres Esséniens, afin d’être toujours prêt à instruire ceux qui venaient à lui de la haute signification du baptême. Sans aucun doute, cette cérémonie impliquait l’affiliation à l’ordre des Esséniens. Il devait exister bon nombre de penseurs exaltés et mystiques, fatigués des misères du présent. qui accouraient avidement auprès du Baptiste essénien. Qui ne se fût empressé de contribuer à la grande œuvre du salut et à l’avènement du royaume des cieux, sachant qu’on y pouvait atteindre par des moyens qui n’avaient rien d’étrange ni d’insolite ? Nous ignorons si la foule revenait meilleure de son immersion dans le fleuve, et si cet acte symbolique laissait dans les esprits une impression durable ; mais l’expérience suffit pour résoudre cette question. Du reste, la nation judaïque en général, notamment la société moyenne dans les villes, n’avait guère besoin de ces excitations fiévreuses à la pénitence ; elle n’était pas, tant s’en faut, si vicieuse ni si corrompue, et l’influence de ses habitudes religieuses suffisait à la maintenir dans la bonne voie. Les exhortations de Jean à la pénitence eussent été plus fructueuses en s’adressant ailleurs, en s’adressant plus haut et plus bas, je veux dire à l’aristocratie judaïque, aux riches, corrompus par le contact des Romains, et à la population rurale, que les luttes fréquentes avaient démoralisée. Mais les grands se moquaient sans doute de ce doux rêveur qui prétendait, avec des baignades dans le Jourdain, susciter le miracle de l’ère messianique ; et les enfants de la glèbe (am ha-arets) étaient beaucoup trop bornés pour prêter l’oreille à de semblables appels. La prédication de Jean était d’ailleurs trop inoffensive et ne dépassait pas assez la sphère des idées reçues, pour scandaliser le parti dominant des Pharisiens. Les disciples qui s’attachèrent à lui et qui copièrent sa conduite observaient la Loi dans toute sa rigueur, se soumettant même aux pratiques extérieures du jeûne. Les Pharisiens, c’est-à-dire les Hillélites et les Schammaïtes de cette époque, bien que médiocrement épris des rêves et des exagérations de l’essénisme, n’étaient nullement en opposition avec lui. De ce côté, Jean n’avait donc aucun obstacle à redouter. Mais les Hérodiens étaient prévenus contre cet homme qu’entourait la sympathie populaire, qui, par certains mots à effet, savait remuer les