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et celui-ci par Annius Rufus. En sept années (7-14), il y eut trois procurateurs ; et, comme chacun d’eux cherchait à s’enrichir, la Judée, pressurée à l’excès, soufrait beaucoup de ces changements.

La mort d’Auguste (14) ne modifia eu rien la situation de ce pays, qui fit simplement partie de l’immense héritage de Tibère, le nouveau césar. En apparence, les provinces ne souffrirent pas du gouvernement de ce prince, ennemi juré de l’aristocratie romains, partant favorable au peuple. Sur les plaintes des Judéens, il diminua même les impôts qui les écrasaient. Au fond, cependant, Tibère était plus hostile encore au judaïsme que ne l’avait été son père adoptif Auguste : on eût dit que les césars avaient le pressentiment du coup mortel que l’empire romain et son culte devaient recevoir du judaïsme. Cette antipathie s’accrut encore lorsque des Romains, et surtout des femmes romaines, inclinèrent à embrasser le judaïsme. En effet, l’enthousiasme des Judéens pour leur religion et leur temple offrait un contraste frappant avec la froideur des Romains, prêtres comme laïques, pour leur culte national. La ruine de la liberté avait supprimé l’idéal auquel aspiraient les meilleurs esprits, et ôté toute poésie à l’existence : les âmes désenchantées demandaient un nouvel aliment. Aussi vit-on, sous Tibère, de nombreux prosélytes qui, pour satisfaire leur besoin de religiosité, envoyaient des présents au temple de Jérusalem. Toutefois, la superstition avait sans doute autant de part que la conviction aux sympathies qui se manifestaient pour le judaïsme. Ce qui fascinait surtout les esprits, c’était l’attrait de l’inconnu, le côté mystérieux de certaines religions étrangères, comme la religion des Judéens et celle des prêtres d’Isis, qui recrutait également des prosélytes à Rome. A la suite d’un abus commis par ces prêtres, Tibère prit généralement en haine le prosélytisme, et cette haine s’accrut par un fait nouveau. Une prosélyte judéenne, Fulvie, femme d’un certain Saturninus, sénateur fort estimé de Tibère, avait envoyé des présents au temple de Jérusalem par l’intermédiaire des Judéens qui l’avaient convertie, et qui se permirent de les garder pour eux. Tibère, informé de cette fraude, fit voter par le sénat une loi en vertu de laquelle tous les Judéens, ainsi que leurs prosélytes, devaient quitter la