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de tristes conséquences. Cette inflexible barrière, Ezra et le parti puritain prétendaient élever, même contre ceux qu’animaient une sincère piété et le désir d’une fraternelle union, exaspéra ces derniers au plus haut point. Quoi ! plus de part pour eux, désormais, à ce Dieu qu’ils avaient choisi, à ce sanctuaire de Jérusalem qui était devenu le leur ? Ce divorce brutal qui leur était signifié changea brusquement en hostilité leurs dispositions amicales : la pire haine est celle qui naît d’un amour dédaigné. Le deuil des filles ou des sœurs, répudiées par leurs maris Judaïtes, la vue des enfants reniés par leurs pères, ne pouvaient que froisser douloureusement leurs familles. Par malheur pour les Judaïtes, au premier rang de ceux qu’ils avaient ainsi repoussés de leur communion, se trouvaient deux hommes résolus et d’esprit inventif Sanballat et Tobie. Ils étaient attachés à la doctrine juive, et on les repoussait. Sur-le-champ ils prirent une attitude hostile contre Juda, décidés à maintenir, par force ou par ruse, leur participation au temple de Jérusalem et au Dieu qu’on y adorait. Il est à croire que des démarches furent tentées d’abord pour rétablir la concorde et la vie commune, pour faire révoquer le décret d’exclusion. II y avait sans doute, à Jérusalem et dans la province, un parti modéré, qui jugeait avec plus d’indulgence la question des mariages mixtes et n’approuvait pas les procédés d’Ezra. Les plus instruits, d’ailleurs, étaient d’un autre avis que lui sur ces mariages avec des femmes qui, au moins extérieurement, professaient la doctrine nationale. Une telle sévérité était-elle donc justifiée ? Ne trouvait-on pas, dans les souvenirs du passé, nombre d’exemples d’Israélites ayant épousé des femmes étrangères ? Ces questions et d’autres semblables furent probablement agitées. Nous trouvons comme un écho de ces sentiments modérés dans un gracieux écrit appartenant, selon toute probabilité, à cette même époque, je veux dire dans le livre de Ruth. L’auteur de cette poétique idylle nous raconte, fort tranquillement en apparence, l’histoire d’une bonne famille judaïte de Bethléem, émigrée au pays de Moab, et dont deux membres épousent des femmes moabites : c’était toucher la brillante question du jour.

Ruth, une de ces femmes, dit à Noémi, sa belle-mère : N’insiste pas, de grâce, pour que je te quitte ! Où que tu ailles, j’irai ;