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champs de la Judée pour boire son sang, ronger sa chair et sucer sa moelle. L’heure avait sonné où l’aigle romain allait se précipiter d’un vol rapide sur l’héritage d’Israël, tournoyer autour de la nation judaïque saignant de mille blessures et s’acharner sur elle jusqu’à ce qu’elle fût devenue un cadavre glacé. Comme l’inexorable destin, Rome régnait alors sur les peuples de l’Asie Mineure, pillant, déchirant, exterminant ; la Judée devait subir le sort commun. Avec un flair remarquable, l’oiseau de proie sentit de loin sa victime et accourut pour lui arracher la vie. Il apparut, la première fois, sous la figure de Scaurus, légat de Pompée, qui avait cherché à faire oublier sa nullité en allant cueillir des lauriers en Asie. Scaurus espérait trouver en Syrie l’occasion de conquérir des honneurs et la fortune pour lui et son maître ; mais, comme il vit ce pays déjà en proie à d’autres sangsues, il se tourna vers la Judée. Les frères ennemis saluèrent son arrivée comme celle d’un sauveur. Tous deux lui envoyèrent des députations ; connaissant le caractère des Romains et sachant qu’ils n’étaient pas insensibles à l’appât de l’argent, tous deux aussi lui offrirent des présents. Les présents d’Aristobule l’emportèrent. En effet, il lui avait apporté quatre cents talents, tandis que Hyrcan, ou plutôt Antipater, s’était borné à des promesses.

Cette fois encore l’intérêt de Rome se trouvait d’accord avec la cupidité du Scaurus, car cet intérêt exigeait que le roi des Nabatéens, qui disposait d’une puissance considérable et commandait à une grande étendue de pays, n’accrût pas davantage encore son pouvoir, en s’immisçant dans la guerre civile de la Judée.

Scaurus enjoignit donc à Arétas de lever aussitôt le siège de Jérusalem, le menaçant, en cas de refus, de la colère de Rome. Arétas obéit et retourna dans son pays avec son armée, poursuivi par les troupes d’Aristobule, qui l’atteignirent près de Capyron ( ?) et le défirent complètement (65). Aristobule put s’abandonner un instant à l’illusion de croire qu’il était vraiment le roi victorieux de la Judée. La marche de la politique romaine et la lenteur calculée des opérations de Pompée contre Mithridate, l’entretinrent dans la croyance que sa royauté était affermie pour toujours. Belliqueux comme son père, il envahit des territoires, voisins, et il équipa même des corsaires pour faire des courses sur