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des livres du Pentateuque fut traduit séparément. Ce qui nous reste de leur œuvre, bien que défiguré et dénaturé en maint endroit, montre que les diverses parties n’ont pas été traitées avec la même méthode et ne peuvent provenir de la même main. La traduction grecque du Pentateuque était aussi en quelque sorte un temple, un sanctuaire érigé à la Loi, sur la terre étrangère, en l’honneur du Dieu d’Israël.

L’achèvement de cette œuvre causa une joie profonde parmi les Judéens d’Alexandrie et d’Égypte. Ils étaient fiers de voir les Grecs, qui se glorifiaient tant de leurs philosophes, forcés de reconnaître la supériorité des doctrines judaïques et leur antiquité plus haute. Ces sentiments de joie et d’orgueil grandissaient encore dans leur esprit à la pensée que la traduction du Pentateuque, menée à bonne fin grâce au concours actif d’un prince judéophile, ouvrait la voie au judaïsme pour pénétrer parmi les Grecs. Aussi, le jour où elle fut remise au roi fut-il fêté par tous les Judéens d’Alexandrie et, chaque année, on en célébrait la commémoration, en se rendant en pèlerinage à l’île de Pharos. Après avoir entonné des chants d’allégresse et récité des actions de grâces, chacun prenait place avec les siens à un banquet servi en plein air ou sous des tentes, suivant le rang des convives. Plus tard, cette fête devint une fête générale : la population païenne d’Alexandrie y prenait part. Tout autre devait être l’impression produite en Judée par la translation de la Thora en langue grecque. On y haïssait l’hellénisme, qui avait déjà fait tant de mal à la nation. La crainte de voir le sens véritable des doctrines judaïques altéré et faussé par l’interprétation en grec se fit naturellement jour. La langue hébraïque, que Dieu avait parlée sur le Sinaï, paraissait seule digne d’exprimer les doctrines divines. Coulé dans un moule étranger, le judaïsme, aux yeux des purs, semblait méconnaissable et privé de son caractère divin. Aussi considéraient-ils le jour de fête des Judéens d’Égypte comme un jour de deuil national, semblable à celui où le veau d’or fut érigé dans le désert. On prétend même qu’ils firent de ce jour un jour de jeune. Telle fut la diversité des jugements au sujet de cet événement. Si on envisage les conséquences, on reconnaît que les