Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

se bâtissaient de belles et riches demeures, probablement avec les matériaux qu’on avait réunis pour le temple. A cela se joignirent les mauvaises récoltes de plusieurs années successives. Le charbon et la grêle ruinaient l’espoir des laboureurs. On semait beaucoup et l’on récoltait peu ; ni pain pour se rassasier, ni vêtements pour se garantir du froid, et le peu qu’on gagnait était vite dissipé. Bien pire encore était le déclin des mœurs, conséquence de la détresse matérielle. On ne retomba plus, il est vrai, dans l’idolâtrie ; tous étaient radicalement guéris de cette aberration, même les plus abjects, même les esclaves du temple. Mais des passions sordides, des vices bas et mesquins, l’amour du lucre, l’égoïsme, l’absence de charité, régnaient partout.

En présence de cette situation, qui contrastait si fort avec les riantes perspectives des premiers jours de l’émigration, les meilleurs sentaient leur courage défaillir. Que restait-il de ce bel avenir promis aux rapatriés dans la ville bien-aimée ? La misère pour le corps, l’abaissement pour l’âme.

La mort de Cambyse (521) et l’avènement de son successeur Darius, troisième roi des Perses (521-485), amenèrent d’heureux changements pour Juda. Diffèrent de son prédécesseur et semblable à Cyrus, Darius était un prince humain et généreux. D’après une légende curieuse, Zorobabel serait allé en Perse et aurait gagné, par sa sagesse, les bonnes grâces de Darius, qui lui aurait permis de retourner à Jérusalem et d’y rebâtir le temple aux frais du trésor royal. Mais la chose n’alla pas si facilement. Les chefs du peuple, Zorobabel et Jésua, avaient bien songé à reprendre les travaux interrompus, maintenant que la mort de Cambyse avait mis fin aux tiraillements et aux confits du voisinage ; mais le peuple, mais les chefs de famille, leur dirent : Non, le temps n’est pas encore venu de rebâtir le temple. Il ne fallut rien moins que la parole enflammée des deux prophètes Aggée et Zacharie pour déterminer la reprise du travail. Plusieurs fois, dans un espace de cinq mois, ils interpellèrent le peuple, et pour stimuler son ardeur et pour lui révéler les secrets de l’avenir. Enfin, grâce à leur énergique intervention, l’on se remit activement à l’œuvre si longtemps interrompue. Toutefois, il fallut encore quatre ans pour l’achever (519-516), et ce fut le