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maîtres légitimes. Ainsi s’accomplissait la parole prophétique qui avait récemment retenti : « Vous partirez avec joie, et vous serez paisiblement réintégrés dans votre pays. » Paisiblement et sans péril, sous la protection de l’escorte persane, ils purent traverser les centaines de lieues qui les séparaient de la Judée. Aussi, à la différence de l’exode égyptien, le départ de Babel n’a-t-il donné lieu à aucune mention de détail. Il semblait inutile d’énumérer les étapes du voyage, alors qu’elles ne furent marquées d’aucun incident digne d’être recueilli par l’histoire. « Dieu les conduisit, par un chemin uni et sûr, au terme de leurs désirs. »

Lorsque les exilés, quatre ou cinq mois après leur départ, revirent cette terre objet de tant de vœux, une joie immense dut remplir leurs cœurs. Prophéties, espérances, rêves d’avenir, étaient devenus une réalité !... Leur joie, cependant, ne fut pas sans nuage. Le pays et particulièrement la ville sainte, centre de leurs affections, étaient désolés. Une grande partie du sol était occupée par des étrangers, le nord par les Samaritains ou Cuthéens, le sud par les Iduméens. À la vérité, ces régions durent être en partie abandonnées par leurs possesseurs et cédées aux propriétaires légitimes ; mais, par cela même, ils devinrent pour les Judaïtes d’implacables ennemis. D’ailleurs, les débuts du nouvel État juif furent pauvres et difficiles. Il ne put même pas occuper le territoire entier de l’ancien royaume de Juda. La population, de quarante mille hommes seulement, ne pouvait cultiver un territoire bien étendu. La colonie rapatriée se groupa ainsi autour de Jérusalem, à proximité de cette capitale dont les ruines attendaient encore leur réparation. Mais cette situation avait son bon côté : serrée ainsi près de sa capitale, la population du pays était à même de savoir tout ce qui s’y passait et d’y prendre une part active.

Du reste, si la modestie des débuts et l’exiguïté du territoire durent déconcerter les hautes espérances éveillées dans le cœur des exilés par leurs derniers prophètes, si les illusions durent faire place au désenchantement, des circonstances inattendues vinrent raviver leur enthousiasme et les remplir d’un nouveau zèle pour le relèvement de la patrie.

De tous les pays d’alentour, de l’Égypte, de la Phénicie, même