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décida à l’accompagner à l’autel, où le roi s’humilia devant Dieu ; puis Samuel ordonna qu’on lui amenât le roi Agag, qu’on avait chargé de chaînes. Que la mort est amère, oh ! qu’elle est amère ! gémissait l’Amalécite. Et Samuel lui répondit :

Comme ton épée a privé des femmes de leurs fils.
Ainsi ta mère soit privée du sien !

et il ordonna que le roi d’Amalec fût coupé en morceaux.

Depuis cette scène de Gilgal, le roi et le prophète évitèrent de se rencontrer. La victoire de Saül sur Amalec était devenue pour lui une défaite : son orgueil avait été humilié. L’annonce de la disgrâce divine jeta un voile de tristesse sur son âme. Cette humeur noire de Saül, qui plus tard dégénéra en fureur, date de la menaçante parole qui lui fut adressée par Samuel : Dieu remettra à un plus digne la royauté d’Israël. Cette parole ne cessa pas de retentir aux oreilles de Saül. Autant il avait résisté d’abord à accepter le pouvoir, autant il s’obstina à ne point le lâcher. Et pourtant il sentait bien son impuissance : comment lutter contre le terrible prophète ?

Pour s’étourdir, il chercha une diversion dans la guerre. Il ne manquait pas d’ennemis à combattre, sur les frontières du pays d’Israël. Une autre voie, d’ailleurs, s’offrait encore à lui pour renforcer dans les esprits le sentiment de sa personnalité. Dans l’intérieur du pays vivaient toujours, mêlées à la population israélite, des familles et de petites peuplades cananéennes qui, à l’époque de la conquête, n’avaient pas été évincées et ne pouvaient l’être. Leur exemple avait entraîné Israël au culte des faux dieux et aux mauvaises mœurs de l’idolâtrie. Saül pensait rendre un service signalé au peuple et à la doctrine d’Israël, s’il faisait disparaître ou chassait du pays ces voisins idolâtres. C’est ainsi qu’il commença à se montrer zélé pour Israël, c’est-à-dire à écarter tout élément — hommes ou choses — étranger ou contraire à l’israélitisme. Au nombre de ces étrangers tolérés étaient notamment les Gabaonites, qui avaient fait leur soumission lors de l’arrivée des Israélites. Au mépris du serment qu’on leur avait fait, Saül ordonna le massacre de cette population[1], dont un petit nombre seulement

  1. La conduite de Saül envers les Gabaonites et d'autres peuplades de la Palestine est racontée dans Sam., II, 21, 2 et suiv.