Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Gad et de la demi-tribu de Manassé. Hors d’état de se défendre, elles envoyèrent des délégués à Samuel pour solliciter une vigoureuse assistance, et prononcèrent une parole qui blessa profondément Samuel, mais qui exprimait la pensée de tous. Elles demandèrent qu’un roi fût donné à la communauté d’Israël, qui pût contraindre tous les membres du peuple à une action d’ensemble, qui pût les mener aux combats et remporter des victoires... Un roi en Israël ! Samuel était glacé d’effroi à cette pensée. Quoi ! un peuple entier dépendrait des caprices d’un seul, de son bon plaisir! L’égalité de tous devant Dieu et la loi, l’absolue indépendance de chaque famille sous le patriarche qui la gouverne, étaient tellement passées en habitude et en règle, qu’un changement quelconque dans ce régime avait quelque chose d’incompréhensible et semblait receler toute sorte de malheurs.

Le prophète Samuel, qui mesurait toute la funeste portée de ce vœu, éclata comme un homme qui sortirait d’un mauvais rêve. Il montra aux Anciens du peuple, dans une peinture saisissante, les conséquences inévitables de la royauté, qui commence par la soumission spontanée des masses à la volonté d’un seul, et qui finit par la servitude, par le suicide de leur liberté ! Mais quelque frappantes que fussent les admonitions de Samuel, les Anciens persistèrent, convaincus qu’un roi seul pouvait mettre fin à leur détresse.

Les Philistins faisaient de nouveau de fréquentes incursions, et ne rencontraient cette fois que peu ou point de résistance. Ils mettaient plus d’âpreté et d’acharnement à asseoir leur domination, à subjuguer les Israélites. Non contents désormais de leur arracher les villes limitrophes, ils étendaient leurs empiétements à travers toute la largeur du pays, presque jusqu’au Jourdain. Ils avaient dans plusieurs villes des commissaires d’impôts (netsib) pour les redevances en bétail et en blé. Dans un tel état de choses, le besoin d’avoir un roi devenait de plus en plus vif et pressant. Les anciens d’Israël le demandèrent avec une sorte de violence à Samuel ; ils ne se laissèrent pas éconduire, et en dépit de ses propres sentiments et de son opposition première, le prophète dut céder. L’esprit divin lui enjoignit de ne pas résister au vœu unanime des représentants de la nation, de se mettre à la recherche d’un roi et de