Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée

et que, là où elles avaient essayé de se défendre, elles furent abattues. Le peuple se persuada que Dieu même avait marché à la tête des légions israélites, que c’était lui qui avait jeté le désordre dans les rangs de leurs ennemis et les avait dispersés. La poésie condensa dans une belle composition (le psaume XLIV) les détails de cette grande conquête du pays.

Quelque chétive et parcimonieuse qu’on eût fait la part de certaines tribus, telles que Siméon et Dan, elles avaient néanmoins reçu une possession suffisante pour servir de point d’appui à leur existence et de point de départ pour un développement ultérieur. Seule, la tribu de Lévi était restée complètement dépourvue de territoire. La règle instituée par Moïse avait été fidèlement observée. Les Lévites, tribu de prêtres nés, ne devaient pas être absorbés par l’agriculture, ni se préoccuper d’un patrimoine à arrondir, ni, comme les prêtres d’Égypte, enlever les terres au peuple sous couleur d’intérêts religieux ; ils ne devaient point, enfin, former une caste opulente, mais demeurer pauvres et se contenter de ce que les propriétaires de champs et de bétail leur accorderaient. Le sanctuaire et la Loi devaient être leur unique objectif.

Ghilgal, siège de l’arche et centre de ralliement, ne pouvait garder à jamais cette prérogative : il était situé dans une région peu fertile et en dehors de toute relation. Aussi, dès que la situation se fut consolidée et que les troupes d’au delà du Jourdain furent licenciées, dut-on se mettre en quête d’un singe plus convenable pour le sanctuaire. Il allait de soi, étant donnée la situation générale, que c’était dans la tribu d’Éphraïm qu’il fallait le chercher. Silo fut choisi à cet effet ; c’est là qu’on transporta l’arche d’alliance et qu’on érigea un autel. Là était le rendez-vous, sinon de toutes les tribus, au moins des tribus centrales, Éphraïm, Manassé et Benjamin. Le grand prêtre descendant d’Aaron, Phinéas, et ses successeurs, fixèrent leur résidence à Silo. Beaucoup de Lévites, selon toute apparence, y séjournèrent également, tandis que d’autres vivaient dispersés dans les villes des autres tribus et menaient, en somme, une existence vagabonde.

Par suite de l’immigration des Israélites, le pays de Canaan changea désormais, non seulement d’appellation, mais de caractère. II devint un sol sacré, l’héritage du Seigneur. Il devait concourir,