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indique en même temps comment ce peuple idéal doit remplir son apostolat :

Voici mon serviteur, sur lequel je m’appuie,
Mon élu, en qui mon âme se comptait,
J’ai mis sur lui mon esprit,
Afin qu’il révèle la justice aux nations.
Il ne criera, ni ne grondera,
Ni ne fera entendre sa voir dehors,
Il ne brisera pas le roseau déjà rompu,
Ni n’éteindra la mèche près de s’éteindre :
Il révèlera la justice comme vérité.

Puisque ce n’est point par la violence que le messager de Dieu fera triompher la vérité et propagera la doctrine, que doit-il donc faire pour en amener la reconnaissance universelle ? Donner l’exemple, se dévouer volontairement et se sacrifier pour sa loi, demeurer ferme devant toutes les persécutions, supporter enfin avec patience l’ignominie et l’outrage. Cette mission reconnue d’Israël, le prophète de l’exil l’expose d’une manière admirable en peu de mots, qu’il met dans la bouche du peuple lui-même. Ce martyre conscient, cette constance d’un côté, cette douceur et cette résignation de l’autre, voilà, dit l’Isaïe de Babylone, ce qui doit procurer la victoire à la loi de justice que représente l’Israël idéal et valoir à celui-ci sa juste récompense. Les nations elles-mêmes arriveront à voir que c’est précisément par ses douleurs, par sa persévérance et son esprit de sacrifice que ce peuple, sous ses dehors d’esclave, a rempli une grande tâche, leur a apporté la rédemption et la paix. La pensée fondamentale du prophète, après avoir revêtu d’abord la forme d’un monologue prophétique des nations, se résume dans une autre formule, brève et forte : Le temple du Dieu d’Israël sera un jour une maison de prière pour tous les peuples.

Voila comment est résolue par Isaïe l’obscure énigme du rôle d’Israël. Ce peuple a reçu le lourd fardeau de l’apostolat parmi les nations, et ce ministère, il doit le remplir par ses souffrances et sa fermeté. Comme peuple martyr il est peuple apôtre et ne