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des pensées créatrices, qu’ils revêtirent des formes les plus harmonieuses. Sous le ciel étranger et dans les souffrances de l’exil, l’onde poétique jaillit pleine de fraîcheur, et avec une abondance qui put sembler intarissable. La langue hébraïque, que les exilés n’avaient cessé de parler au milieu des Araméens, si même, par patriotisme, ils ne l’avaient cultivée davantage, demeura l’organe de cette renaissance. Les dernières années de l’exil virent naître non seulement de nouveaux psaumes et de nouveaux proverbes, mais encore un genre nouveau d’éloquence prophétique et une forme d’art nouvelle : le poète anonyme réunit les Proverbes anciens (Proverbes de Salomon, Mischle) qu’on avait recueillis déjà sous Ézéchias, et y ajouta un préambule qui reflète l’état moral de son temps. Ce ne fut pas dans l’antiquité qu’il puisa ses maximes, mais dans la contemplation philosophique des actions de l’homme et de leurs conséquences. Cette clarté de vue, cette sagesse (Chochmah) tirée de l’expérience, bien que d’origine humaine, conduisait selon lui au même résultat que la loi israélite, d’origine divine : que les mondains consentissent seulement à écouter la sagesse, et ils abandonneraient les sentiers de l’erreur. Le livre des Proverbes peut se résumer comme suit : le commencement de la sagesse est la crainte de Dieu, et celle-ci préserve l’homme de la perdition ; le péché, au contraire, est folie et mène le pécheur à sa ruine ; la prospérité des insensés les tue, leur bonheur les anéantit. Mais quelle est la récompense réservée au juste qui souffre ou, ce qui revient au même, au sage ? La Sagesse, comme les psalmistes de l’exil, ne sut répondre à cette question qu’en montrant la splendeur à venir du retour dans la patrie :

Les justes habiteront de nouveau le pays
Et les innocents y demeureront.

Mais si cette réponse suffisait aux cœurs pieux, à ceux qui cherchaient Dieu, aux affligés de Sion, elle était bien loin de consoler ceux dont la foi chancelait et plus encore de convertir les mondains, qui ne voulaient à aucun prix quitter Babylone. Aussi loin que portait le regard de l’observateur, il ne pouvait s’empêcher