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de leur Dieu. Qu’il était aisé, d’ailleurs, au Judéen d’opposer au culte puéril des images chaldéennes la doctrine d’un Dieu pur esprit et de rendre le premier ridicule. Quand il voyait l’artiste babylonien tailler dans le bois une idole et en implorer ensuite l’assistance, en employer les débris à allumer son four et à cuire son pain, ou bien à se chauffer, l’exilé, que pénétrait la majesté de son Dieu, pouvait-il retenir un sarcasme ou tout au moins un sourire ? Et, s’il se laissait aller à la controverse, ne trouvait-il pas dans les écrits nationaux ample matière à faire ressortir l’excellence de sa loi ? C’est ainsi qu’en entendant célébrer le grand nom du Dieu d’Israël et sa main toute-puissante, bien des Chaldéens ouvrirent les yeux et s’unirent à un peuple qui professait une tout autre croyance. Les prosélytes observèrent le sabbat, suivirent les lois, se soumirent même, ce semble, à la circoncision. Cette première conquête morale eut son contrecoup sur les Judéens. Ils aimèrent davantage leur Dieu et leur loi en leur voyant gagner les païens. Vingt ans à peine après la mort des deux prophètes qui avaient tant de fois reproché au peuple son cœur de pierre, la régénération était accomplie : la littérature sacrée, rendue accessible, avait été une source de rajeunissement ; elle avait rafraîchi les âmes et adouci les cœurs. Toutefois il fallait encore que l’esprit nouveau qui avait pénétré dans le peuple s’affirmât, qu’il s’éprouvât dans la lutte et se fortifiât dans la souffrance. L’occasion ne lui en manqua pas.

Si, dans le cadre de la vie judéenne à Babylone, les vertus de la jeune génération, son ardeur pour la lecture des livres saints, son enthousiasme pour un passé glorieux apparaissaient comme les parties lumineuses du tableau, ces clartés avaient leurs ombres, d’autant plus tranchées, d’autant plus profondes, qu’elles-mêmes brillaient d’un éclat plus vif. Une partie des exilés, surtout les grandes familles, non seulement persistaient dans leur ancienne corruption, mais encore en empruntaient une nouvelle à leur entourage. Cette gigantesque ville de Babylone et l’immensité de l’empire chaldéen exerçaient une sorte de charme sur les classes élevées, leur inspiraient l’envie d’imiter ses mœurs chaldéennes et, de plus, leur ouvraient un champ d’action dont la vaste étendue sollicitait leurs aptitudes. A Babylone florissait