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Jochanan et les autres chefs ne tardèrent pas à l’apprendre. Leur indignation fut grande. Sans perdre un instant, ils se mirent à la poursuite des assassins, les atteignirent à leur première halte, près du lac de Gabaon, et leur livrèrent bataille. Deux des gens d’Ismaël tombèrent ; lui-même s’échappa avec huit hommes, passa le Jourdain et regagna le pays d’Ammon, laissant ses prisonniers aux mains de Jochanan. Mais sa criminelle entreprise n’en avait pas moins réussi : le nouvel État judéen était mort avec Ghédalia.

La perplexité fut vive parmi les survivants. Que faire ? Demeurer au pays ? Il était à prévoir que Nabuchodonosor ne laisserait pas impunie la mort de Ghédalia et de ses Chaldéens et qu’il les traiterait en complices. Et même cette crainte mise à part, comment se maintenir dans la contrée ? Qui serait chef désormais et contiendrait des éléments toujours prêts à se disjoindre ! Leur première idée fut donc de gagner l’Égypte et, Jochanan à leur tête, ils se dirigèrent vers le sud. Bientôt toutefois des dispositions plus calmes prévalant, ils se demandèrent s’il n’était pas plus sage de rester à tout prix sur le sol natal que de se lancer dans l’inconnu d’une émigration. Cette pensée due, parait-il, à Baruch, trouva de l’écho chez les uns et de l’opposition chez les autres. Pour faire l’accord sur un parti d’où dépendait le sort de tous, les chefs résolurent de s’en rapporter à la décision de Jérémie : le prophète, dirent-ils, devait se mettre en prières et implorer l’inspiration divine ; favorable ou non à leur sentiment propre, son jugement réglerait leur conduite, et ils s’engagèrent devant Dieu à s’y soumettre.

Dix jours durant, Jérémie se tordit, pour ainsi dire, en invocations et supplia Dieu de faire luire dans son esprit la clarté prophétique. Mais, dans l’intervalle, les chefs avaient changé d’avis. Tous à présent ne roulaient plus qu’émigrer, et le prophète vit leurs traits s’assombrir, quand il leur fit part de la révélation qu’il avait eue, savoir, qu’ils devaient rester dans le pays, sans rien craindre de Nabuchodonosor. C’est si vous persistez à émigrer, ajouta-t-il, que le glaive que vous redoutez vous atteindra ; aucun de vous alors ne reverra sa patrie et vous périrez tous en Égypte, frappés de calamités nombreuses. Il n’avait pas achevé, que Jochanan et