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de populace des hommes aux sentiments généreux. Si quarante années d’efforts n’avaient presque rien pu sur les grands et les gens instruits, combien moindre ne serait pas son succès sur des gens de basse classe et des ignorants ! Cependant il lui fallait bien se plier aux circonstances.

Nabuchodonosor avait une si haute estime pour lui que non seulement il lui offrit des présents, mais encore lui fit délivrer sa nourriture quotidienne. La présence du prophète auprès de Ghédalia réconforta, en effet, ceux qui étaient restés dans le pays et leur rendit confiance dans l’avenir. Le gouverneur ayant fait publier que tous les fugitifs qui se réuniraient autour de lui pourraient demeurer en pain dans la contrée, s’établir dans les villes et cultiver leurs champs, on vit revenir peu à peu les Judéens dispersés dans le pays de Moab et chez les autres peuples voisins. Ils se présentèrent au gouverneur et firent fa paix avec lui, c’est-à-dire s’obligèrent à être les fidèles sujets du roi de Chaldée, puis se mirent à cultiver la terre et produisirent, non seulement des grains, mais encore du vin et des figues. Le sol récompensa de nouveau les efforts du travail, et comme la population était peu nombreuse, laboureurs, jardiniers et vignerons, qui avaient reçu de vastes étendues de terrain, firent de plantureuses moissons. Quelques villes commencèrent à se relever de leurs ruines. Celle de Mitspa devint le siège d’un sanctuaire, érigé par Ghédalia et qui forma le centre du nouvel État, puisque Jérusalem et la montagne du temple étaient détruites et servaient de repaire aux chacals. Les Chuthéens, ces colons semi israélites, semi païens, établis à Sichem, à Silo et à Samarie, reconnurent ce nouvel autel et y firent des pèlerinages, en y apportant des offrandes et de l’encens. Certes la présence des Chaldéens et la surveillance qu’ils exerçaient, et sur le peuple et sur le gouverneur, pour prévenir toute velléité de révolte, rappelaient à tout instant le reste de Juda au souvenir de sa dépendance ; mais, au point où en étaient les choses et après l’immensité de la catastrophe qui avait fondu sur le pays, la situation ne laissait pas de lui paraître supportable : elle était, en tout cas, meilleure qu’il n’avait pu l’espérer, puisque après tout il vivait sur le sol de la patrie.