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le territoire d’Israël, et espéraient l’obtenir plus facilement en en persécutant les possesseurs : Les deux nations, disaient-ils tout haut, et les deux pays seront à nous et nous les hériterons. Les Philistins et les autres peuples d’alentour ne montrèrent ni moins d’animosité, ni moins de joie de la ruine de Juda. Seules quelques villes phéniciennes accueillirent les fugitifs. Mais la Phénicie était loin et, bien avant d’y toucher, les malheureux Judéens étaient capturés.

Aussi la plupart des chefs et des soldats échappés préférèrent-ils demeurer dans le pays. Commandés par Jochanan, fils de Karéach, ils se cramponnèrent, pour ainsi dire, au sol natal, comme s’il eût été au-dessus de leurs forces de s’en séparer. Ils cherchèrent, pour se soustraire aux poursuites, les retraites les plus inaccessibles, se cachèrent dans les gouffres ou dans les cavernes ou bien dans les ruines des villes détruites. Mais la nécessité où ils étaient de sustenter leur misérable existence les obligeait fréquemment à affronter les dangers ; ceux alors qui se faisaient prendre étaient voués à une mort ignominieuse ou aux mauvais traitements : vieux, ils étaient pendus, et jeunes, condamnés à porter des meules ou astreints à d’autres labeurs. C’est cette situation désespérée qui dicta la cinquième Lamentation, si déchirante et dont les courtes strophes ressemblent à des sanglots.

Un instant on put croire que cette agonie des restes d’un peuple, cette guerre d’extermination contre les fugitifs allait prendre fin. Nabuchodonosor n’avait pas le dessein d’anéantir tout à fait la Judée. Il désirait, au contraire, qu’elle subsistât ; seulement il ne voulut pas que ce fût sous un roi de la race de David et résolut d’en confier le gouvernement à Ghédalia, de la maison de Schaphân, qui lui avait donné des preuves de fidélité. Celui-ci devait rassembler autour de lui les débris de Juda, et, en les maintenant unis, les encourager à la culture des champs et des jardins, pour que le pays ne devint pas une solitude. C’est ainsi qu’après avoir eu la mission d’anéantir Jérusalem, Nébusaradan reçut encore celle de trier les prisonniers et les transfuges, d’en éliminer les suspects pour les envoyer à Babylone, et de laisser le reste, laboureurs et vignerons, dans le pays. À ces derniers seraient attribuées