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sait, c’est que Joachim persécuta avec acharnement les prophètes qui faisaient entendre leurs censures.

Aucune époque ne compta autant de ces hommes de Dieu que les vingt années qui précédèrent la chute du royaume de Juda. On les voyait souvent, presque chaque jour, en toute occasion, s’adresser au peuple, aux princes, au roi, les admonestant, réveillant, menaçant, et leur prédire une catastrophe, s’ils persistaient dans leur impiété. Les noms de trois seulement d’entre eux sont arrivés jusqu’à nous : Jérémie, Habacuc, Urie, encore ne connaît-on de ce dernier que sa fin tragique. Originaire de la ville forestière de Kiriat-Yearim, il prophétisait au début du règne de Joachim et avait annoncé d’inévitables calamités à son pays, s’il ne quittait les voies de la perversité. Poursuivi à raison de ce fait, il dut s’enfuir en Égypte ; mais, livré à Joachim, il eut la tête tranchée.

Cette exécution, loin d’effrayer Jérémie, ne fit qu’ajouter au zèle de sa vocation. C’est à l’avènement du frère de Joachas, au retour des anciens désordres, que commença vraiment son action prophétique, interrompue dans les dernières années de Josias. Maintenant il comprenait le sens des paroles que, jeune encore, il avait entendues aux premières heures de sa consécration : Je l’établis comme une ville forte, comme une colonne de fer et un mur d’airain contre les rois de Juda, les princes, les prêtres et le peuple. Elles signifiaient qu’il devait rester ferme, inébranlable, affronter sans peur les menaces de la persécution. Jérémie se disposa donc à s’élever contre la corruption et à annoncer la ruine désormais fatale, quoique le cœur lui saignât et qu’il dût plus d’une fois s’exciter lui-même, pour ne pas succomber à d’accablantes visions. Devenu homme, il ne conduisit point d’épouse dans sa demeure, car son âme anxieuse ne pouvait goûter les joies domestiques, lorsqu’elle voyait se projeter devant elle, de plus en plus noire, l’ombre des temps sinistres qui approchaient. Solitaire et sombre, il errait de côté et d’autre, sans prendre part au commerce des hommes, parce que la vue du peuple volontairement coupable le pénétrait de douleur et lui ôtait toute disposition à la sérénité.

Un de ses premiers discours, sous le règne de Joachim, lui