Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/237

Cette page n’a pas encore été corrigée

formé dans le sein de ta mère, je t’avais reconnu, que tu eusses quitté le giron de ta mère, je t’avais consacre ; je t’ai choisi comme prophète pour les peuples. Lui, saisi de crainte : Hélas ! Seigneur Jéhovah, je ne sais point parler, car je suis jeune. — Ne dis pas : Je suis jeune, mais va où je t’enverrai, et dis ce que je te chargerai de dire. La voix lui recommanda d’être fort, de n’avoir pas peur, de parler contre rois, princes, prêtres et peuple. Certes, ils lui en voudraient, mais ils n’auraient pas plus de prise sur lui que sur une cotonne de fer ou sur un mur d’airain.

Telle fut la consécration prophétique de Jérémie ; c’est ainsi qu’il la raconta, soit à Anatoth, soit à Jérusalem. Les détails n’en supportent assurément aucun parallèle avec la sublime et profonde simplicité qui marque les débuts d’Isaïe ; mais l’époque voulait une autre éloquence, le mal avait profondément pénétré dans le peuple et il y avait danger à ne pas y chercher un prompt remède. Puis Jérémie ne s’adressait plus, comme ses prédécesseurs, à une minorité instruite, mais bien à la masse de la nation tout entière. Devant un tel auditoire, les finesses de langage n’eussent pas été de mise ; ce qu’il fallait, pour impressionner, c’était une parole claire et intelligible, voilà pourquoi Jérémie s’exprima le plus souvent en simple prose, entremêlée çà et là seulement de fleurs oratoires.

C’est dans la treizième année du règne de Josias, en 626, — il y avait alors un an que le roi s’était un peu arraché à ses habitudes de nonchalance, — qu’il entendit son premier appel intérieur. À partir de ce moment et durant pris d’un demi-siècle, sa lumineuse âme de prophète eut la tâche pénible de montrer la bonne voie au peuple égaré. Sitôt qu’il eut reçu l’ordre de parler sans appréhension des hommes, sa timidité, sa mollesse de cœur s’évanouirent, et il porta l’assurance jusqu’à peindre les sensations provoquées chez lui par l’esprit prophétique. Une sorte de feu s’était allumé en lui et il avait ressenti comme les coups d’un marteau de fer broyant la roche. Son premier discours a pour sujet l’abandon de la tradition nationale par le peuple même, les désordres de l’idolâtrie et les horreurs de l’immoralité ; il est d’une force entraînante. Il ne se contente pas de foudroyer les excès pervers du culte