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la patrie au-dessus de leur égoïsme. Or, tels n’étaient pas les grands qui entouraient le nouveau roi. Irrités, au contraire, d’avoir été tenus à l’écart sous le précédent règne, ils n’avaient qu’une pensée, reconquérir leur ancienne position et se venger des intrus qui les avaient supplantés. Le gouvernail de l’État passa aux mains d’officiers et de dignitaires qui n’eurent rien de plus pressé que de détruire l’œuvre d’Ézéchias. Le régime institué par ce roi — était-ce le rétablissement de l’ancienne constitution, était-ce une organisation nouvelle ? — avait ses racines dans l’antique doctrine israélite de l’unité et de l’immatérialité de Dieu, de l’horreur de toute idolâtrie et de l’unité du culte. Renverser cet ordre de choses devint le but des fanatiques qui, par eux-mêmes ou leurs amis, détenaient le pouvoir. Il se forma un parti de l’idolâtrie, que non seulement l’habitude, l’esprit d’imitation et la perversion des idées religieuses, mais encore une haine passionnée poussèrent à persécuter le principe national au profit du principe étranger. Les grands qui agissaient au nom de Manassé ne furent pas longtemps sans passer de l’intention aux actes. Peu après son avènement, ils firent publier que les hauts lieus, si rigoureusement proscrits par Ézéchias, pouvaient être rétablis. C’était gagner la masse du peuple à leurs projets. Bientôt ils multiplièrent à Jérusalem et jusque dans le temple les désordres d’une immonde idolâtrie. Ce ne fut pas seulement l’ancien culte cananéen, mais encore la religion assyro-babylonienne qu’ils y intronisèrent, comme pour défier le Dieu d’Israël, à qui le temple était consacré. Des autels furent élevés à Baal et à Astarté dans les deux vestibules de l’édifice, et des autels moindres érigés sur les toits, en l’honneur des cinq planètes. Dans le parvis se dressa une grande statue (Ssêmel), probablement celle de la déesse assyrienne Mylitta. Plus pernicieuse encore que ces signes matériels fut l’action de l’idolâtrie sur les mœurs. Des amants et des courtisanes sacrés (Kedeschot) furent entretenus dans le temple pour le culte d’Astarté ou de Mylitta, et des cellules dis-posées pour l’accomplissement de rites qui outrageaient la pudeur. Dans la belle vallée de Ghê-Hinnom se relevèrent les bûchers. Toutes ces abominations à peine croyables recommencèrent sous le règne de Manassé. On voulait faire entièrement oublier le Dieu