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eux fut Isaïe, fils d’Amoz, de Jérusalem. Plusieurs prophètes contemporains dénoncèrent et flétrirent avec la même franchise impitoyable les excès et les dérèglements ; mais il les surpassa, ainsi que tous ses prédécesseurs, par l’abondance de la pensée, le charme de la forme, la poétique noblesse de la langue et la clarté de sa vision. Son éloquence unit la simplicité à la profondeur, la concision à la clarté, le trait mordant du sarcasme à l’essor du génie. De sa vie l’on ne sait que peu de chose : il était marié, sa femme avait également le don prophétique et il portait le costume ordinaire des prophètes, un cilice en poil de chèvre (sak). Comme Élie, il fit de sa vocation la tâche sévère de son existence. L’objet exclusif de son action fut de démasquer la méchanceté, d’avertir le peuple et de l’exhorter, en lui présentant l’idéal d’un brillant avenir, qu’il était appelé à réaliser. Il donna à ses fils des noms allégoriques, annonçant d’avance les événements et destinés à servir de signes et de symboles. Durant plus de quarante années (755-710), il remplit sa mission prophétique avec une entière abnégation, une persévérance infatigable et exempte de crainte. Dans des circonstances d’une haute gravité, où tous, petits et grands, princes et roi, désespéraient, il se montra plein de confiance dans la victoire et sut rallumer l’étincelle de l’espérance et du courage.

Isaïe apparut pour la première fois l’année de la mort d’Osias (755) ; il pouvait alors être âgé de trente ans. Sa vie semble avoir été jusque-là toute mondaine et livrée aux femmes, dont il put ainsi dépeindre le luxe avec tant de détails. Il commença par annoncer au peuple, peut-être sur la montagne du temple, une vision qu’il venait d’avoir et la manière dont il avait été choisi comme prophète.

Cette vision forme le sujet de son premier discours. C’est un récit simple et bref, mais dont le sens profond ne saurait néanmoins n’être pas compris. Il raconta qu’il avait vu Jéhovah Zébaoth sur un trône haut et élevé, et entouré d’êtres ailés, les séraphins : Un séraphin criait à l’autre : Saint, saint, saint est Jéhovah Zébaoth ! d’une voix si retentissante que les fondements des colonnades du temple s’ébranlèrent. Je dis alors : Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures,