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eurent de vastes domaines, qu’ils firent cultiver par des esclaves ou par des pauvres qu’ils avaient réduits à la servitude. Ils ne craignirent point de vendre les enfants de malheureux débiteurs qui n’avaient pu se libérer ou de les employer à tourner leurs meules.

A cette criante iniquité se joignit le vice. Les princes opulents de Juda voulaient jouir, donner de grands festins, passer leurs jours dans les délices et dans le bruit. Dès leur lever, ils se mettaient à table, buvaient et s’échauffaient de vin jusqu’à une heure avancée de la nuit ; ils mangeaient au son des luths, des harpes, des tambourins et des flûtes. Mais c’étaient là d’innocents plaisirs auprès d’autres jouissances. L’ivresse étouffe la pudeur et irrite les sens. La sévère moralité qu’avait nourrie la loi sinaïque proscrivait la luxure : tant qu’elle subsista, la soif immodérée des plaisirs trouva des bornes ; mais bientôt vinrent les relations d’amitié avec le royaume d’Israël, qui favorisèrent les penchants des princes de Juda. Chez les dix tribus, et surtout dans leur capitale Samarie, la sensualité la plus illimitée non seulement n’était pas prohibée, mais encore était, jusqu’à certain point, tenue pour sacrée et faisait partie des rites religieux. Les prêtresses s’y voyaient en foule. L’impudicité avait fait de tels progrès qu’elle avait étendu ses ravages jusque sur les filles et les belles-filles, qui suivaient l’exemple de leurs pères et de leurs beaux-pères. Le vin et la débauche avaient perverti l’esprit des grands au point qu’ils demandaient au bois des oracles et au bâton la révélation de l’avenir. Ce furent ces grands des dix tribus, ces ivrognes d’Éphraïm qui enseignèrent aux princes de Juda à se livrer sans frein aux voluptés. Il est vrai que le culte pratiqué dans le temple de Jérusalem demeurait le culte officiel, reconnu du roi et desservi par les prêtres et les Lévites ; mais les nobles pratiquaient leurs rites privés. L’effet du fraternel accord d’Israël et de Juda fut que l’immonde idolâtrie, les écarts sexuels, l’intempérance, l’orgueil et le mépris du droit devinrent communs chez les deux peuples.

C’est précisément à cette époque de décadence, sous les rois Joathan de Juda et Phacée d’Israël, que surgirent plusieurs hommes de Dieu, qui stigmatisèrent la corruption des grands par des paroles de flamme. Ils formèrent la troisième génération de prophètes, après Élie, Élisée, Amos, Joël et Osée. Le plus grand parmi