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Ils dansaient, hurlaient, pirouettaient et tour à tour inclinaient brusquement la tète vers le sol, en traînant leurs chevelures dans la boue, puis se mordaient les bras, s’entaillaient le corps avec des sabres et des couteaux et, lorsque le sang commençait à couler, l’offraient en sacrifice à leur sanguinaire déesse. Quelques-uns, dans l’emportement de leur délire, allaient jusqu’à se mutiler et donnaient ainsi un spectacle hideux. Les prêtresses, vouées à la prostitution en l’honneur d’Astarté et au profit des prêtres, ne laissaient pas sans doute de prendre part à ces scènes. C’est avec cette horde de prêtres et de possédées que Jézabel croyait pouvoir déshabituer le peuple du Dieu de ses pères et transformer son caractère national. À la tête de ce clergé phénicien se trouvait probablement un grand prêtre dont elle recevait les conseils ou les ordres. On commença par détruire les autels élevés au Dieu d’Israël et on en érigea d’autres de façon cananéenne, avec des pyramides de forme obscène (en phallus). Il est vraisemblable que les sanctuaires de Béthel et de Dan subirent une métamorphose analogue. On privait le peuple de ses autels pour le contraindre à sacrifier pour ceux de Baal et d’Astarté et l’accoutumer aux rites phéniciens. Qu’il est aisé aux despotes, armés du double secours de la ruse et de la force, d’amener un peuple à l’abandon de ses usages et de son génie propres et à l’adoption de mœurs étrangères ! Séparés d’ailleurs depuis un demi-siècle du centre spirituel de Jérusalem et abêtis par le culte du taureau, les Israélites avaient perdu l’intelligence de leurs traditions. Les villes, où régnait le bien-être, s’étaient abâtardies déjà par des habitudes de raffinement et de mollesse, que les rites impudiques de Baal et d’Astarté ne favorisaient que trop ; leurs habitants, sans aucun doute, s’accommodèrent la plupart du nouveau culte ou n’y résistèrent que faiblement. Sept mille hommes seulement demeurèrent fermes, ne ployèrent pas le genou devant Baal, ni ne lui rendirent hommage par les baisers de leur bouche. Cependant une partie du peuple, ainsi que les campagnards, restait flottante dans ses idées et dans ses actes, et ne sachant pas lequel, de Jéhovah ou de Baal, était le plus puissant, adorait l’un publiquement, l’autre en secret. Ce fut une époque d’attente et de confusion