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S’il n’avait dépendu que de lui, il eût abandonné les desseins de son père et se fût contenté, sans souci de l’avenir, de goûter les jouissances que lui offrait la royauté. Achab n’était même pas belliqueux : il acquiesça, sous la pression des rois d’alentour, à des exigences qui eussent fait bouillonner un prince à demi soucieux seulement de son honneur et l’eussent poussé à une résistance désespérée. Mais de même qu’il dut, à son corps défendant, faire la guerre à un voisin plein de morgue, de même il se vit obligé d’accepter la lutte avec la nationalité israélite. Son père lui avait donné une épouse qui, elle, possédait une volonté forte et virile et s’efforçait de la faire prévaloir par la plus impitoyable rigueur. Fille d’un ancien prêtre d’Astarté, Jézabel était possédée d’un zèle fanatique pour la conversion d’Israël au culte cananéen. Soit notion erronée des choses, soit calcul politique, elle reprit avec vigueur l’œuvre d’Omri, la poussa sans ménagements et entraîna son faible époux à toutes les violences et à tous les crimes. Elle tint le sceptre et Achab ne fut dans sa main qu’un instrument. Sous l’action de ce sombre et orgueilleux esprit et d’une énergie que nul obstacle ne faisait reculer, il se produisit dans le royaume une effervescence et une agitation qui provoquèrent de sanglants conflits, mais qui eurent aussi pour effet, comme un orage, de purifier l’atmosphère. Jézabel commença par élever un vaste temple à Baal dans la ville de Samarie. Les édifices dédiés à cette divinité renfermaient d’ordinaire trois autels, des statues et des pyramides, consacrées à une sorte de trinité divine. Baal, sa femme Astarté et le dieu du feu ou de la destruction (Moloch, Chammon) ; elle pourvut aux besoins de ce culte en faisant venir une nuée de prêtres et de prophètes idolâtres : quatre cent cinquante pour Baal et quatre cents pour Astarté ; elle les entretint aux frais de la maison royale et les fit manger à sa table. Les uns exerçaient leurs fonctions sacerdotales à Samarie, les autres parcouraient le pays en furieux, pour pratiquer leurs rites désordonnés dans les villes et les villages. Les prêtres et les prophètes phéniciens s’habillaient en femmes, se fardaient le visage et les yeux, avaient les bras nus jusqu’aux épaules ; ils portaient des épées et des haches, ou bien un fouet, des crécelles, des pipeaux, ou encore des cymbales et des tambours qu’ils faisaient résonner.