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Quel parti devait prendre Jéroboam ? Les Licites, notamment les descendants d’Aaron, étaient le clergé attitré, les intermédiaires nés entre Dieu et les hommes, au moyen des sacrifices et des cérémonies religieuses. Or, ces mêmes Lévites l’abandonnaient, et, par cela même, répudiaient et condamnaient son système. Pourtant il ne pouvait se passer de prêtres. Il les prit donc où il put, acceptant le premier venu qui s’offrait à lui; et lui-même, à une fête, remplit les fonctions de prêtre, pour les relever aux yeux du peuple, ou peut-être à l’imitation des mœurs égyptiennes. C’est ainsi que Jéroboam arriva par degrés à détruire l’essence même du judaïsme.

Les avertissements ne manquèrent pas au nouveau roi pour l’arrêter dans cette voie impie où il égarait le peuple. Le vénérable prophète Achia, de Silo, qui avait encouragé l’ambitieux fils de Nebat dans sa révolte contre la maison de David, ne pouvait pas, affaibli par l’âge, l’interpeller et flétrir sa conduite. Mais la femme de Jéroboam étant venue un jour le visiter à Silo, à l’occasion de la maladie de son fils aîné, le vieillard lui prédit la fin malheureuse de la maison de Jéroboam. — Toutefois, au point où étaient les choses, celui-ci ne pouvait plus reculer. Changer de conduite, c’était provoquer la réconciliation des dix tribus avec la maison de David. L’instinct de la conservation lui faisait une loi de persister dans ses errements. Le nouveau culte resta donc en vigueur pendant toute la durée du royaume d’Israël, et pas un des successeurs de Jéroboam ne tenta même de l’abolir.

Dans le royaume de Juda ou maison de Jacob, la situation était moins altérée. Sans doute, au point de vue politique, cet État s’était affaibli, le schisme et l’invasion égyptienne lui avaient fait des blessures qui ne se fermèrent que longtemps après, mais les croyances religieuses et les mœurs ne s’étaient pas encore dégradées. Roboam ne parait s’être occupé beaucoup ni des unes ni des autres, et la faiblesse de son caractère peut faire supposer qu’après l’humiliation infligée à son orgueil, il acheva ses jours dans l’inaction ; mais, à défaut de la sollicitude royale, le temple et l’affluence des Lévites d’Israël arrêtèrent la décadence; rien ne changea, du moins extérieurement, et l’on eut pu se croire encore au temps de Salomon. Les hauts lieux, il est vrai, subsistaient et