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de Jérusalem et fit représenter le Dieu d’Israël sous la forme d’un jeune taureau. Il fit faire deux de ces images ou veaux d’or, qu’on érigea dans deux villes déjà antérieurement considérées comme lieux saints : Béthel et Dan, l’une pour les tribus du sud, l’autre pour celles du nord. Jéroboam s’accommodait ainsi aux convenances des tribus, et épargnait aux plus éloignés, à l’époque de la fête annuelle, l’ennui d’un long voyage. Lorsque les deux simulacres furent installés, Jéroboam fit proclamer : Ceci est ton Dieu, Israël, qui t’a fait sortir de l’Égypte ! A Béthel, où il se proposait d’assister en personne aux cérémonies, il éleva un plus grand temple. Pour mieux déshabituer le peuple de prendre part aux fêtes d’automne dans Jérusalem, à décida que ces dernières seraient célébrées un mois plus tard (le huitième au lieu du septième). Il est probable que le calendrier fut également réformé d’après celui des Égyptiens, et l’année lunaire remplacée par l’année solaire, plus longue. La généralité du peuple, loin d’être choquée du nouveau régime, le considéra effectivement comme un retour au culte primitif. Il ne détruisait pas d’ailleurs la doctrine fondamentale, la croyance, déjà fortement enracinée, à l’unité de Dieu. Jéroboam n’avait pas introduit le polythéisme, il s’était borné à prêter au Dieu unique d’Israël une forme matérielle, symbole de la puissance et de la fécondité. Le peuple, encore esclave des sens, se représentait plus volontiers la Divinité sous une forme visible. La spiritualité de Dieu, exclusive de tout signe extérieur, était alors, bien plus que son unité, éloignée de la portée du vulgaire. Le culte du taureau n’impliquait pas, comme celui du Baal cananéen, la débauche grossière et l’impudicité, et ne blessait pas, conséquemment, le sens moral. Le peuple s’habitua donc peu à peu à prendre Béthel ou Dan pour but de son pèlerinage à la grande fête, sauf à sacrifier, en toute autre circonstance, chez soi ou à l’autel le plus voisin. Jéroboam avait pleinement atteint son but : le peuple était abruti, et lui obéissait en esclave.

Mais la tribu de Lévi l’embarrassait fort. Aucun de ses membres ne pouvait se résigner à titre le desservant d’un pareil culte, tant était forte et durable l’influence des doctrines de Samuel sur cette tribu. Afin de n’y pas être contraints, les Lévites domiciliés dans les villes israélites émigrèrent dans le royaume de Juda.