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par certains traits et qu’il s’agissait ensuite de deviner. Ces énigmes, jetées dans un moule poétique, étaient des jeux d’esprit qui frappaient agréablement les auditeurs. C’était l’usage, en ce temps-là, d’égayer les banquets, les repas de fête, par cet exercice d’énigmes qu’on s’ingéniait à proposer et à résoudre. Des rois même ne dédaignaient pas cette récréation de l’esprit. On voit que Salomon était heureusement doué.

Il n’a pas laissé cependant de commettre plus d’une faute. La plupart sont dues à l’idée exagérée qu’il se faisait de la dignité royale. A l’exemple de ses voisins, le roi de Tyr et celui d’Égypte, avec lesquels il entretenait d’actives relations, il s’imaginait, — prétention outrée pour un mortel, — que le roi est l’âme, le centre, la personnification de l’État, que le roi est tout et le peuple rien. Ce fut là la pierre d’achoppement de la sagesse de Salomon. Et ce sage roi justifia, plus encore que ne l’avaient fait ses prédécesseurs, les menaçantes prévisions que Samuel avait fait entendre lorsqu’il s’agit d’instituer la royauté. Par malheur, Salomon était un fils puîné, à qui la succession royale était échue contrairement au droit coutumier, tandis que son frère Adonias, déjà proclamé roi par un parti, passait aux yeux de la foule pour l’héritier légitime. Tant que vivait Adonias, le trône de Salomon était vacillant, ou peut-être lui-même ne se sentait pas en sûreté. Il fallait à tout prix écarter ce rival : Benaïahou, le capitaine des gardes, pénétra dans sa maison et le mit à mort. Pour excuser ce crime, on raconta qu’Adonias avait sollicité la main de la jeune veuve de David, la belle Sunamite Abisag, et trahi par là son intention de disputer le trône à son frère. La chute d’Adonias fit pressentir à Joab, son ancien fauteur, qu’un sort pareil le menaçait. Ce grand général, qui avait tant contribué à la puissance du peuple israélite et au prestige de la maison de David, courut désespéré à la montagne de Sion, se réfugia au pied de l’autel, l’embrassa d’une main convulsive pour échapper à la mort... En vain ; il y fut, lui aussi, immolé par Benaïahou. On pallia ce nouveau crime en faisant courir le bruit que David lui-même, sur son lit de mort, avait recommandé à son successeur de ne pas laisser descendre en paix dans la tombe les cheveux blancs de Joab. Benaïahou, — était-il l’aveugle instrument