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pouvoir juger son peuple avec équité. Cette sagesse, cette faculté de lire dans l’âme et de pénétrer la pensée des parties en litige, d’apprécier nettement les questions, de dégager la vérité des nuages amoncelés autour d’elle par la parole des plaideurs, de ne jamais juger sur de simples apparences, cette sagesse, disons-nous, le jeune roi la posséda au plus haut degré. Le jugement de Salomon est assez connu. Dans un débat entre deux femmes sur la possession d’un enfant, il sut, au moyen d’une sentence qui n’était qu’une ingénieuse épreuve, reconnaître quelle était la véritable mère : Coupez l’enfant en deux ! prononça-t-il. Une mère ne pouvait consentir à un tel partage ; aussi préféra-t-elle renoncer à ses droits. — En toute chose, du reste, Salomon avait la justice à cœur, et il ne souffrait pas que personne, dans son royaume, fût victime d’une iniquité. La justice consolide les trônes, dit le livre des Proverbes. Lors même que cette parole n’eût pas été prononcée par lui, toujours exprime-t-elle sa pensée. On exalte aussi la sagesse de Salomon sous un autre aspect, celui de la poésie. Sa poésie revêt, en premier lieu, la forme de l’apologue (MASHAL). Il y introduisit comme acteurs le cèdre élevé et l’humble hysope, symboles respectifs des grands à des petits ; les quadrupèdes, les oiseaux de haut vol et les reptiles infimes, voire les poissons muets. Chaque fable avait probablement pour conclusion une maxime instructive. On raconte, non sans exagération, qu’il composa trois mille fables, plus cinq mille chants ou préceptes moraux. Ce n’est pas Salomon, du reste, qui est le créateur de la fable ; longtemps avant lui, ce genre de poésie était cultivé chez les Israélites. Jotham, fils du juge Gédéon, avait, du haut du mont Garizim, raconté au peuple de Sichem un ingénieux apologue pour lui faire sentir son aveuglement. Le prophète Nathan, lorsqu’il gourmanda David après son commerce criminel avec Bethsabée, donna à sa censure le vêtement de la parabole. Mais si Salomon n’a pas inventé ce genre, il n’a pas moins le mérite d’avoir employé à le perfectionner les loisirs que lui laissaient Ies affaires de l’État. — Son génie se manifesta encore sous une autre forme, consistant à parler à mots couverts de certains sujets plus ou moins graves, qu’on désignait vaguement