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pas d’y aller de sa personne. La lutte fut sanglante. Les absalonites, bien que fort supérieurs en nombre, eurent le dessous, parce qu’ils combattaient sans ordre et s’orientaient difficilement à travers les bois, tandis que les troupes de David manœuvraient comme un seul homme. Le bois fut, pour cette multitude, plus meurtrier que l’épée. Vingt mille soldats, dit-on, y périrent. Pour Absalon aussi, la forêt de Rephaïm devait être funeste. Sa longue chevelure, dont il était si fier, s’embarrassa dans le branchage d’un grand chêne ; il y resta suspendu, tandis que sa monture s’échappait. Joab lui perça le cœur : singulière fatalité, qui faisait son meurtrier de son ancien auxiliaire, de celui-là même qui avait involontairement encouragé sa révolte ! — Joab fit aussitôt avertir, par un signal, l’armée de David de cesser le combat ; et les absalonites, informés de la mort de leur roi, s’enfuirent à la débandade et repassèrent le Jourdain.

Ainsi se termina la seconde guerre civile qui affligea le règne de David ; guerre d’autant plus monstrueuse que les deux adversaires en présence étaient un père et son fils.

Douloureuse en fut aussi la suite. II s’agissait, tout d’abord, d’annoncer cette victoire à David, et c’était une pénible tâche, car chacun savait combien son cœur serait navré de la perte de ce fils, quelque dénaturé qu’il fût. Consterné à cette nouvelle, David éclata en pleurs et en sanglots : Mon fils, mon Absalon, s’écria-t-il à plusieurs reprises, ah ! que ne suis-je mort à ta place ! — Un cœur de père est un abîme insondable. Qui sait s’il ne voyait pas en Absalon un malheureux égaré, dupe des ruses d’Achitophel et poussé par lui à la révolte ?

Les guerriers n’osèrent rentrer à Mahanaïm en triomphateurs ; ils s’y glissèrent furtivement, timides et honteux comme après une défaite. David ne voulait voir personne, parler à personne ; il ne cessait de gémir sur la mort de son fils. Enfin Joab, s’armant de courage, lui représenta énergiquement que cette douleur persistante était une ingratitude vis-à-vis de son armée. Pour arracher le roi à sa tristesse, il ajouta même à cette parole une menace : S’il ne se montrait pas tout à l’heure à ses soldats, s’il ne leur adressait pas des paroles bienveillantes, ses fidèles l’abandonneraient tous ensemble, cette nuit même, et il resterait seul