Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée

envoyés aussitôt dans les différentes villes, y donnèrent au moyen du cor le signal convenu, sur quoi les conjurés se réunirent et crièrent : Vive le roi Absalon ! Ils entraînèrent dans leur parti tous ceux qui avaient encore sur le cœur le dénombrement ordonné par David, et ceux aussi qui espéraient trouver quelque avantage dans une révolution et un changement de règne. Les Benjamites, que l’avènement de David avait privés du rang qu’ils devaient à Saül ; les Éphraïmites, ces éternels mécontents, durent applaudir particulièrement à la chute de David et accueillir d’autant mieux l’usurpateur qu’ils pouvaient espérer, par le renversement du vieux roi, recouvrer leur ancien crédit, ou leur indépendance première. Ils auraient sans doute meilleur marché du vaniteux Absalon, dont la popularité devait être éphémère, qu’ils ne l’avaient eu de David. Un grand nombre de villes des diverses tribus envoyaient des députés à Hébron pour acclamer le nouveau roi, et son parti grossissait de jour en jour.

Le complot, on le comprend, fut d’abord dissimulé par ses organisateurs ; on ne permit à personne de voyager d’Hébron à Jérusalem, de peur que la chose ne transpirât. Ce n’est donc qu’en apprenant la défection des tribus de la maison de Juda et de celle d’Israël que David connut l’usurpation de son fils. Ce fut pour son cœur un coup douloureux ! Mais son parti fut bientôt pris. Il ne voulait pas exposer le pays à une guerre civile, comme l’y excitaient sans doute les fils de Tserouya et d’autres partisans fidèles. Abandonné de toutes les tribus, il lui faudrait s’enfermer dans sa capitale. Celle-ci ne pourrait résister à l’assaut d’une telle multitude, et — il ne pouvait se faire illusion là-dessus — l’impie Absalon n’aurait aucun scrupule à noyer Jérusalem dans le sang. Ce qui surtout affligeait, accablait David, c’était de voir Achitophel associé à la criminelle entreprise de son fils. Il reconnaissait, mais trop tard, que la conspiration avait été préparée de longue main, que c’était un plan savamment mûri, et que toute résistance de sa part n’aboutirait qu’à un désastre. Il annonça donc à ses gens qu’il allait quitter en hâte Jérusalem, avant qu’Absalon y arrivât avec ses nombreux adhérents.

David put voir, en cette occurrence, qu’il avait aussi des amis fidèles, dévoués jusqu’à la mort. Lorsqu’il fut arrivé de son palais