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la commune en a quatre autres, dont deux à l’annexe de Mittlah. Les maisons sont propres, les rues aussi. Peu de toits de chaumes ; sur les façades exposées aux pluies dominantes, des revêtements en bardeaux, peints de blanc, autour des fenêtres qui reluisent. L’ensemble de l’agglomération forme un village coquet, animé par le passage de la Fecht, aux eaux grossies par la jonction des affluents supérieurs. Quand on vient de Mulbach par l’Ackerfeld, le torrent bouillonne sous les berges d’un ravin escarpé, à côté de la route. Sur ses bords, les maisons se pressent appuyées aux angles de grands blocs erratiques, déposés par un ancien glacier. À la sortie du village vers la montagne, une partie des constructions remonte le long de l’affluent venu de Mittlah, une autre partie le long de l’affluent de Sondernach. De ce côté se trouve une filature de coton. Tout autour, une quantité d’arbres à fruits dans les champs : des pommiers, des pruniers, de grands noyers bien verts, qui ombragent la route et donnent à la campagne environnante l’aspect d’un verger. Outre le blé et les pommes de terre, les habitants cultivent le chanvre pour la toile de ménage. Chaque ménage tient à avoir son potager pour les légumes.

Suivant le chemin de Sondernach, nous montons derrière la romantique chappelle de l’Emm, à travers les champs et les prés qui recouvrent les premières pentes du contrefort, entre les deux vallées de Mittlah et de Sondernach. L’Emm tire son nom d’Emma, la fille de Charlemagne, le grand empereur, fiancée du preux Roland. Pendant les nuits sereines, me suis-je laissé dire, la blonde Emma descend sur la lisière du bois auprès de la chapelle en soupirant des stances amoureuses, attendant l’ombre de Roland, le héros de Roncevaux, qui vient la rejoindre au clair de lune, montrant les reflets de son armure entre les sapins. Des noyers, des cerisiers garnissent prés et champs étagés en gradins, où le regard plonge, chemin faisant, sur le village de Sondernach, visible sous les arbres, allongé dans le sens de la vallée, coupé en deux parties, dont l’une remonte vers le Kahlenwassen par le Landersbach, l’autre vers le Lauchen par le Querben. Depuis le contrefort qui sépare le Mittlah de la Fecht de Sondernach, le regarde embrasse toute la vallée moyenne, jusqu’à Munster. Pour jouir de la vue de la plus étendue, il faut s’élever jusqu’à la cime de l’Anlass, à travers la futaie de sapins. Une clairière s’ouvre là-haut, dégagée par une coupe récente. Au moment de l’atteindre, j’entends la cloche des fabriques d’en bas qui appelle les ouvriers au travail. Il peut être cinq heures et quart. Dans les pâturages élevés, la trompe de vachers résonne aussi par intervalles du côté du Hohneck.

Seul dans ma course matinale, je m’assieds sur une souche de la clairière. Cette cime forme une arête allongée, raide, étroite, avec d’énormes rochers de granit brisés : admirable belvédère, un de nos plus beaux paysages des Vosges,