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V

LE SCHLOSSWALD ET LUTTENBACH.


Allons au Schlosswald, avant de nous enfoncer plus loin dans la vallée. Le parc du Schlosswald doit son nom au château de Schwarzenburg, dont les ruines se dissimulent sous ses ombrages. Plusieurs chemins y mènent, comme pour aller à Rome. Aucun ne vaut, pour le charme du coup d’œil, celui par Eschbach, au détour duquel Munster apparaît sous son aspect le plus gracieux, dans une échappée, dérobant ses cheminées d’usines derrière les clochers, avec les blanches fermes de Hohroth sur la montagne en face. Ravissant paysage, n’est-ce pas ? dans ce coin de terre où l’œil ne rencontre que des sites aimables. Dans le vallon d’Eschbach aucune usine n’a pris place. Nul bruit ne trouble le calme des journées d’été, où tous les bras valides du village sont occupés au travail des champs. Les maisons se tiennent sur les pentes abruptes de la montagne, entourées de jardins potagers et de champs de pommes de terre, avec de petits murs en pierres sèches pour retenir la terre végétale. Sur les versants à l’est du Solberg, qui plongent avec leurs ravins cachés sous de jeunes taillis, se montre le hameau d’Erschlitt, annexe où demeurent quelques familles welches, parlant le patois roman, au milieu de populations de langue allemande.

Les pentes du Schlosswald, parfaitement boisées jusqu’au sommet, s’élèvent en avant d’Eschbach, à côté des sapinières du Geisberg, formant une sorte de contrefort. Un réseau de sentiers et de chemins enlace les flancs arrondis dudit contrefort de bas en haut. Par-ci par-là, des terrasses en balcons, avec leurs corbeilles de fleurs, à découvert ou ombragées, ménagent des échappées de vue tour à tour sur le débouché et les branches supérieures du val de la Fecht. Sans vous enfoncer au loin dans les profondeurs sauvages et reculées, vous avez déjà des massifs de hêtres et de sapins noirs, dont les troncs élancés et les couronnes touffues figurent comme la voûte d’un temple. Leur épais feuillage intercepte en partie les rayons solaires : il produit une sorte de crépuscule qui rappelle le demi-jour de nos cathédrales gothiques. Le château de Schwarzenburg, ruiné depuis longtemps, jonche de ses débris le granit en place mis à nu. Qu’en reste-t-il encore ? un mur percé d’une porte basse cintrée, les bases de deux tours rondes, un tronçon de tour tombé comme un anneau géant sur le sol sans se briser.

Au point culminant de ce parc montagneux, une sorte de rond-point, garni de fauteuils rustiques, domine toute la vallée antérieure avec un panorama splendide.