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la place, a conservé sa façade primitive. L’ensemble formait un vaste carré entouré de jardins. Il se composait d’un rez-de-chaussée très élevé, surmonté d’un entresol et d’un étage supérieur s’appuyant intérieurement sur une rangée d’arcades en pierres de taille, avec de vastes caves voûtées dans le dessous. Lorsque ces bâtiments furent vendus, en 1793, comme biens nationaux, les nouveaux propriétaires s’y installèrent chacun à sa convenance, sans se préoccuper de conserver les arrangements primitifs. Maintenant, une partie des locaux est occupée par des logements d’ouvriers. Les bureaux commerciaux de la maison Hartmann sont installés dans les appartements des abbés. Dans l’ancien réfectoire des moines, où l’on voit encore une tribune ornée de boiseries sculptées, se trouve une salle de danse et de spectacle. Autre temps, autre destinations.

Munster est devenu une petite cité éminemment industrielle, occupée surtout du travail du coton, filature, tissage, blanchiment, d’ailleurs prospère et qui fait des progrès continus. Sa transformation actuelle tient, comme sa croissance, au développement de ses fabriques. Directement ou indirectement, la population urbaine, à peu près tout entière, vit de l’industrie cotonnière, au même titre que les gens de la montagne subsistent par l’exploitation des forêts ou par l’élève du bétail. Si la ville s’embellit et grandit par des constructions nouvelles, si les rue s’élargissent et prennent plus d’air, si les habitants augmentent en nombre en même temps que leur bien-être s’accroît, la cause en est uniquement à cette industrie et à l’intelligence de ses promoteurs. Dire l’histoire de ceux-ci, c’est raconter l’histoire moderne de la ville. En 1790, un maître teinturier de Colmar, André Hartmann, acquit à Munster un petit atelier d’impression sur toile. Il donna un grand essor à la production des indiennes et des perses, ainsi que des étoffes pour meubles. Ses fils Jacques, Frédéric et Henri ajoutèrent aux ateliers d’impression des filatures et des tissages successivement agrandis, afin de fabriquer eux-mêmes les toiles de coton à imprimer, au lieu de les acheter au dehors. Depuis 1857 les ateliers d’impression sont fermés. Mais la famille Hartmann, arrivée à la quatrième génération, n’en tient pas moins le premier rang dans l’industrie de la vallée. Elle exploite le blanchiment, outre 1 500 métiers à tisser et 62 000 broches de filature, occupant ensemble plus de 2 000 ouvriers, qui fournissent pour 15 millions de francs de marchandises. Au commencement de ce siècle, lors des débuts de l’industrie cotonnière, à l’époque où furent démolies les portes de la ville, en 1802, afin de rompre sa ceinture de venue trop étroite, Munster comptait seulement 2 500 habitants, contre 5 130 au dernier recensement du 1er décembre 1880.