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III

UNE ANCIENNE VILLE LIBRE IMPÉRIALE.

Turckheim se vante d’avoir été ville libre et impériale avant la conquête française. À ce titre, elle a fait partie de l’Union de la Décapole d’Alsace. Des restes de constructions, des murs, des puits, des briques, des poteries, des armes, des ustensiles, des monnaies romaines et des objets de parure découverte en grande quantité, semblent indiquer l’existence d’une cité plus ancienne, non pas sur l’emplacement de la ville actuelle, mais dans sa proximité immédiate, sur l’autre rive de la Fecht et du canal du Logelbach. Ce qui est certain, c’est que le roi de Lorraine Zventebold donna expressément aux religieux du val Saint-Grégoire, à Munster, le Theuringheim avec ses dépendances en 809. En 1220, le pape Honorius confirme à l’abbaye de Munter tout spécialement, specialiter, les maisons et les propriétés siscs à Turckheim. Ces maisons et ces propriétés constituaient la cour colongère établie dans la localité et qui subsista jusqu’à la grande Révolution. Toutefois les abbés de Munster n’étaient pas précisément seigneurs exclusifs de Turckheim. Dès le XIIIe siècle, avant l’intervention de l’Empire, la juridiction était partagée entre l’abbaye de Munster et la seigneurie de Hoh-Landsburg.

Avec le progrès du temps et le développement de la population, à mesure qu’ils augmentaient en nombre et qu’ils se sentaient plus forts, les habitants de Turckheim prirent des allures plus libres dans leurs rapports avec leurs seigneurs. Des contestations s’élevèrent sur les redevances et sur le droit de juridiction. Une convention intervint en 1308, entre l’abbé et la commune, afin de fixer les droits réciproques des deux parties. En 1342, à la requête des habitants, l’empereur d’Allemagne Henri VII, par un diplôme daté de Pise, érigea son village de Dureinkeim en place forte ou oppidum, promettant qu’après la construction des murs cet oppidum serait élevé au rang de ville libre, avec jouissance des mêmes droits que Colmar.

Cette charte d’affranchissement, en faisant de Turckheim une ville libre et impériale, réservait toutefois les droits des abbés de Munster et autres seigneurs, vel cuique alteri. Par suite de l’acte d’émancipation, l’empereur nomma dans la nouvelle cité un prévôt impérial, à côté des prévôts ou schultheiss de l’abbaye de Munster et de la seigneurie de Hoh-Landsburg. De là aussi trois juridictions répondant aux trois classes de bourgeois dépendant de l’Empire, de la maison d’Autriche et des abbés de Munster.