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ROMAN D’UN PÈRE.

Mon seul regret fut que sa mère ne pût la voir telle qu’elle était ce jour-là. Nous allâmes un peu partout où l’on peut mener les jeunes filles. Au théâtre, au bal, au concert, Suzanne éblouissait grands et petits par sa grâce séduisante et le charme ingénu qui se dégageait d’elle. En moins de trois mois, il se présenta dix-sept prétendants, qui tous furent évincés, par ma belle-mère, par moi ou par Suzanne elle-même.

J’étais bien résolu à ne me laisser influencer par aucune considération matérielle. Si le choix de ma fille s’était porté sur un artiste, pauvre et inconnu, mais doué de facultés productrices, un de ceux qui sont créés pour grandir et se perfectionner, j’aurais donné mon consentement sans hésiter. Mais, bien entendu, la sagesse bourgeoise qui dort au fond du cœur des pères aurait préféré un gendre mieux posé, plus riche, mieux apparenté.

Suzanne allait et venait au milieu de ces nouvelles impressions avec la même aisance que, tout enfant, elle avait déployée à son cours d’histoire. Je laissais à tous les prétendants acceptables le loisir de faire eux-mêmes leur demande, et c’était jusqu’alors Suzanne elle-même qui s’était chargée de les évincer. J’avais voulu